Le tsunami de 2004 a rasé le village de la jeune Pipit, emporté sa famille et l'a balayée avec des débris dans des trombes d'eau, au milieu de corps. Sa première nuit d'orpheline, à 13 ans, elle l'a passée près d'une rangée de cadavres.

Cinq ans plus tard, elle a encore des moments de tristesse, surtout en fin d'année. Mais comme beaucoup des 5200 orphelins connus du tsunami, elle construit sa vie. Elle est rentrée à l'université, joue du violon et veut apprendre l'allemand.

«La plupart du temps, je ne pense pas au tsunami», explique Pipit, qui vit dans un orphelinat confortable de Banda Aceh, la capitale de la province d'Aceh, proche de l'épicentre du séisme qui a déclenché une des pires catastrophes naturelles de l'histoire. «J'essaie d'être forte» dit-elle.

Le 26 décembre 2004, un séisme de magnitude 9,1 sur l'échelle de Richter avait entraîné d'immenses vagues qui avaient rasé les villages côtiers de l'Indonésie à la Thaïlande, en passant par l'Inde et le Sri Lanka. Environ 230 000 personnes avaient péri, dont plus de la moitié à Aceh sur l'île de Sumatra.

Plus de 13 milliards de dollars de dons sont arrivés du monde entier, la moitié parvenant à Aceh. Dans certains villages où seule la mosquée avait résisté, on a reconstruit. Les maisons balayées sont remplacées par d'autres, plus robustes, de nouvelles écoles sont sorties de terre et des routes fraîchement pavées relient la région. Il reste peu de traces du tsunami à Aceh, sinon ce bateau de 5 000 tonnes déposé par les vagues à 1,5km de la côte, qui est devenu une attraction touristique.

Mais pour les orphelins, il faudra du temps avant de réparer les dégâts psychologiques causés par la catastrophe. Certains continuent à lutter contre la tristesse et la colère, et échouent à l'école.

Arif Munandar, huit ans, vit dans un coin pittoresque, près de l'eau et de la montagne, totalement reconstruit grâce aux dons internationaux et indonésiens. Il a perdu ses parents et ses deux soeurs dans le tsunami, et a été adopté ensuite par la soeur de sa mère, Jamilah. Ils vivent en famille avec des oncles, des tantes et des cousins dans un ensemble de trois maisons.

Arif a du mal à se concentrer à l'école et participe souvent à des bagarres. Jamilah essaie de lui enseigner le Coran, mais il n'écoute pas. «Je ne sais pas quoi faire», dit-elle. Immédiatement après le drame, le garçonnet pleurait constamment en demandant sa mère. Il a fallu un mois à sa tante pour parvenir à lui annoncer la terrible nouvelle que ses parents étaient morts.

Dans son école, reconstruite par une ONG britannique, Plan international, 80% des enfants ont perdu un membre de leur famille dans le tsunami, et le quart environ un parent. «Cinq ans plus tard, ils ont presque oublié ce qui s'est passé», assure la principale adjointe, Nurhayati. «Ils ont de nouveau l'air heureux». Seule une poignée d'entre eux reste hantée par le souvenir des événements. Notamment Arif: c'est un «solitaire, il rêve beaucoup», selon elle.

Le chiffre de 5200 orphelins peut sembler faible, si l'on considère que plus de 100 000 personnes sont mortes à Aceh. C'est notamment parce que de nombreux enfants sont décédés ou ont été pris en charge par la famille. La plupart semble s'en sortir correctement, observe Justin Curry, un conseiller psychosocial du programme de reconstruction de la Croix-Rouge américaine. «Ce qui est incroyable avec les enfants, c'est qu'ils sont solides».

La plupart des enfants d'Aceh ont déjà souffert de la guerre d'indépendance de la province, les deux parties avaient d'ailleurs accepté de rendre les armes après la catastrophe. D'une certaine façon, le conflit les a aidés à surmonter l'après-tsunami, estime Peter La Raus, responsable de Save the Children à Banda Aceh, la population ayant eu l'habitude, selon lui, de gérer des crises.

Mais d'un autre côté, le drame a ajouté au drame, répond Justin Curry, de la Croix-Rouge. «Vous aviez une population qui vivait dans une situation angoissante et un autre événement stressant majeur s'est produit», observe le responsable humanitaire.