L'armée du Pakistan poursuivait mercredi son offensive contre les talibans dans le nord-ouest du pays, alors que des civils, terrorisés et privés de tout, appelaient au secours.

Les supplications d'habitants pris au piège des combats intervenaient quelques heures après un vibrant appel du président Asif Ali Zardari lancé aux Nations unies à New York en faveur de centaines de milliers de gens affectés par les affrontements entre militaires et talibans.

Chasseurs et hélicoptères ont pilonné des cachettes présumées de combattants islamistes dans la vallée de Swat, jadis le site le plus touristique du pays dont les talibans avaient pris le contrôle il y a près de deux ans.

Cette vallée de Swat n'est qu'à une centaine de kilomètres d'Islamabad, la capitale de l'unique puissance atomique militaire du monde musulman, meurtrie depuis juillet 2007 par le terrorisme islamiste et menacée de déstabilisation.

Au 17e jour de l'opération de l'armée gouvernementale qui a provoqué la fuite de plus d'un demi-million de personnes, selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), des milliers d'habitants restaient prisonniers à Mingora, le chef-lieu du district de Swat où des talibans sont retranchés.

«S'il vous plaît, je vous en supplie ne m'appelez plus, ils (les talibans) vont me trancher la gorge en m'accusant d'être un espion», a déclaré un habitant contacté par l'AFP.

«Les gens deviennent fous, les enfants et les femmes pleurent, s'il vous plaît, dites au gouvernement de nous sortir de là», a supplié un commerçant sous le couvert de l'anonymat.

«Imaginez la façon dont nous survivons. Oubliez l'absence d'électricité et les autres problèmes, les talibans sont partout et les échanges de feu nourris sont devenus la routine la nuit», a-t-il ajouté.

Les militaires, qui assurent avoir pris l'ascendant sur les talibans, ont affirmé avoir bouclé les accès à Mingora et avoir encerclé la ville pour empêcher toute fuite des fondamentalistes.

Amjad Ali, un plombier de 35 ans, a raconté avoir fui Mingora et marché pendant trois jours avec ses quatre enfants jusqu'au camp de réfugiés de Jalozai. A Mingora, «les corps étaient à la merci des chiens (...) personne ne pouvait les ramasser», a-t-il témoigné.

Le président pakistanais, Asif Ali Zardari, en visite aux Etats-Unis pour des discussions avec son homologue américain Barack Obama, avait appelé mardi soir la communauté internationale à se mobiliser pour venir en aide aux civils et éviter une catastrophe humanitaire.

«Nous souhaitons que le monde aide le Pakistan (...) et les personnes affectées par cette guerre», a déclaré le président à l'issue d'un entretien avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.

L'armée a lancé le 26 avril une vaste offensive dans les départements de Lower Dir et Buner, avant d'étendre son opération dans celui, voisin, de Swat, aux mains des talibans liés à Al-Qaïda depuis l'été 2007.

A la mi-février, Islamabad avait signé un accord de paix en vertu duquel les talibans acceptaient un cessez-le-feu en échange de l'instauration, à Swat et six autres départements, de tribunaux islamiques.

Mais, loin de déposer les armes, les combattants islamistes avaient profité du cessez-le-feu pour pousser leur avantage sur le terrain, en s'emparant des départements du Lower Dir et de Buner, à une centaine de kilomètres d'Islamabad.

Islamabad, allié clé des Etats-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme» pendant la période de l'après 11-Septembre, était sous forte pression de Washington qui avait qualifié l'accord de Swat d'«abdication» face aux islamistes.