L'ONU a qualifié lundi de «crise humanitaire majeure» l'afflux de centaines de milliers d'habitants qui fuient les combats de la vallée de Swat et ses environs, dans le nord-ouest du Pakistan, où l'armée poursuit son offensive contre les talibans.

Les militaires ont assuré avoir tué en 24 heures 52 de ces combattants islamistes liés à Al-Qaïda, sans qu'il soit possible de vérifier.

Dans la matinée, un nouvel attentat suicide visant les soldats a tué 10 personnes, dont huit passants, probablement en représailles à cette offensive lancée il y a quinze jours.

Plus de 360.000 personnes ont été enregistrées dans des camps de déplacés ces dix derniers jours en provenance des districts de Swat, Buner et Lower Dir, a déclaré à l'AFP Manuel Bessler, le coordinateur des affaires humanitaires de l'ONU au Pakistan.

«Nous faisons face à une crise humanitaire majeure», a-t-il assuré, redoutant que le nombre des déplacés de Swat et sa région n'atteigne les 800.000 d'ici à la fin de l'année.

Le gouvernement ne livre aucun chiffre officiel mais certains responsables locaux évoquent désormais un demi-million de déplacés depuis le début de l'offensive militaire.

Les talibans s'étaient emparés il y a deux ans de la vallée de Swat, le site le plus touristique du pays, et l'armée n'avait jamais réussi à les en déloger durablement.

A la mi-février, Islamabad avait signé un accord de paix en vertu duquel les talibans acceptaient un cessez-le-feu en échange de l'instauration, à Swat et six autres districts, de tribunaux islamiques.

Mais, loin de déposer les armes, les combattants islamistes avaient profité du cessez-le-feu pour pousser leur avantage sur le terrain, en s'emparant des districts voisins du Lower Dir et de Buner, à une centaine de km d'Islamabad.

Sous la pression intense de Washington, qui qualifiait l'accord de Swat d'«abdication» face aux islamistes, Islamabad a lancé il y a quinze jours son armée dans une vaste opération de reconquête du Lower Dir, de Buner puis de Swat.

A ce jour, au fil de bilans quotidiens impossibles à vérifier de sources indépendantes, l'armée a assuré avoir tué au moins 780 talibans et perdu seulement une vingtaine d'hommes.

Sous les bombes des avions et des hélicoptères de l'armée et la menace des talibans qui résistent, «les gens sont piégés dans une zone fantôme où ils sont laissés à eux-mêmes, sans aucune assistance», a déploré M. Bessler. La nourriture se fait rare à Swat et les hôpitaux sont sous-équipés, a prévenu le responsable onusien.

Lundi matin, près de Dara Adam Khel, plus au sud, un kamikaze a précipité sa voiture bourrée d'explosifs sur un poste de contrôle routier tenu par des militaires. Deux soldats et huit passants, dont une fillette de six ans, ont été tués, selon des sources militaires.

Le Pakistan est en proie à une vague sans précédent d'attentats --suicide pour la plupart-- qui a tué plus de 1.800 personnes en plus d'un an et demi. Les islamistes qui les revendiquent visent très souvent l'armée en représailles aux opérations militaires, mais n'épargnent pas les civils.

Les talibans pakistanais --à l'unisson d'Oussama ben Laden en personne-- ont déclaré à l'été 2007 le jihad, la «guerre sainte», à Islamabad pour son soutien à la «guerre contre le terrorisme» menée par les Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Washington estime qu'Al-Qaïda a reconstitué ses forces, et les talibans afghans leurs bases arrières, dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan, frontalières avec l'Afghanistan.