(Séoul) Les électeurs sud-coréens ont infligé au président Yoon Suk Yeol une cuisante défaite jeudi, son parti n’ayant pas réussi à reprendre le contrôle du Parlement, ce qui le met en mauvaise posture jusqu’à la fin de son mandat.

M. Yoon devient le premier président sud-coréen dont le parti n’a jamais contrôlé le corps législatif pendant son mandat, ont pointé des médias locaux, et les experts prévoient qu’il aura du mal à faire avancer son programme conservateur, car les blocages, querelles et attaques personnelles sont appelés à se multiplier.

Voici les principaux points à retenir :

Gouvernement « paralysé » ?

Depuis qu’il a remporté la présidentielle avec l’avance la plus étroite de l’histoire du pays en 2022, M. Yoon a été gêné par une cote de popularité qui n’a jamais décollé et par l’absence de contrôle de son parti au sein du Parlement.

Les espoirs de donner un nouvel élan à ses projets de réforme grâce à une victoire aux législatives ont été anéantis par la déroute de son parti, le Parti du pouvoir au peuple (PPP), face à une opposition qui a repris du poil de la bête.

Ce revers électoral signifie que le gouvernement de M. Yoon « sera paralysé en termes d’élaboration de lois et de budget », estime Moon Chung-in, professeur à l’université Yonsei.

« Si M. Yoon fait preuve d’esprit d’entreprise politique, il peut éviter la collision avec le parti d’opposition », relève-t-il, ajoutant toutefois que cela serait peu probable.

« Yoon, en tant qu’ancien procureur, n’a pas l’habitude d’échanger des faveurs politiques et d’improviser. Il en est ainsi à cause de sa rigidité idéologique. Il va connaître des jours sombres », prévoit M. Moon, qui a été conseiller spécial de l’ex-président Moon Jae-in.

Et maintenant ?

Les blocages politiques vont s’accentuer, selon les experts.

En l’absence de « super-majorité », l’opposition ne peut pas passer outre le veto de M. Yoon, mais elle peut continuer à entraver de manière significative le programme législatif du président.

« La polarisation politique et la méfiance rendront le compromis presque impossible », observe auprès de l’AFP Andrew Yeo, professeur de politique à l’Université catholique d’Amérique.

Aucun des deux partis ne sera en mesure de « faire avancer un programme intérieur significatif permettant de lutter contre l’inflation élevée, la hausse des prix et la baisse de la natalité », ajoute-t-il.

M. Yoon a largement utilisé son droit de veto présidentiel pour faire échouer les projets de loi de l’opposition, mais il est probable que celle-ci réintroduise une législation visant à enquêter sur la manière dont les autorités ont géré la bousculade mortelle à Séoul en 2022 et à cibler la famille de M. Yoon.

 « L’opposition va tenter de nommer un conseiller spécial pour enquêter sur la première dame », déclare à l’AFP Shin Gi-Wook, professeur de sociologie à l’université de Stanford, relançant ainsi le cycle de la vengeance dans le monde politique sud-coréen.

Nouveau président ?

Avec la large victoire de son parti, le leader controversé de l’opposition Lee Jae-myung, qui avait perdu d’un cheveu face à M. Yoon en 2022, a désormais une nouvelle chance d’accéder à la fonction suprême lorsque le mandat de M. Yoon s’achèvera en 2027.

Cependant, à l’instar de l’ex-président américain Donald Trump, M. Lee « est confronté à de nombreux problèmes juridiques, mais reste un candidat de premier plan pour le prochain président », souligne M. Shin de Stanford.

Selon lui, « les électeurs coréens seront confrontés à un dilemme similaire à celui des électeurs américains en novembre. En dépit de ses problèmes juridiques, M. Lee bénéficie toujours d’un soutien populaire important » .

Malgré la multitude d’affaires le concernant, notamment des allégations de corruption, le succès éclatant de son parti montre que « les candidats accusés de crimes peuvent encore devenir des gagnants dans le monde de la politique sud-coréenne », relève M. Yeo de l’Université catholique d’Amérique.

Et la Corée du Nord ?

L’impasse politique de la Corée du Sud est une bonne nouvelle pour le leader nord-coréen Kim Jong-un, selon les experts.

 « Pyongyang a peu de raisons de commenter directement les résultats des élections, mais pourrait intensifier ses efforts pour semer la discorde dans la société sud-coréenne », estime Leif-Eric Easley, professeur à l’université Ewha de Séoul.

M. Kim pourrait également s’intéresser aux élections américaines de novembre et espérer une victoire de Trump.

 « Nous pouvons supposer qu’une dynamique Trump 2.0-Lee est de bon augure pour » la Corée du Nord, relève auprès de l’AFP Soo Kim, responsable du domaine des pratiques politiques chez LMI Consulting et ancien analyste de la CIA.