(New York) Andi Novick n’a pas peur de Robert Kennedy Jr, candidat indépendant à la présidence des États-Unis et mouton noir d’une dynastie politique qui ne veut pas mourir.

En fait, c’est plutôt Joe Biden qui alarme cette démocrate de longue date qui ne se reconnaît plus dans le parti du 46e président.

« Ce qui me préoccupe le plus dans l’administration Biden, c’est la remise en cause de notre Constitution et de la Déclaration des droits », dit cette avocate retraitée qui gère aujourd’hui une microferme éducative à Rhinebeck, dans la vallée de l’Hudson, à quelque 160 km au nord de Manhattan.

« Je veux parler de la censure, de la prise de contrôle des réseaux sociaux afin de faire pression sur eux pour qu’ils ne publient pas les propos de certaines personnes, du mépris total pour le premier amendement de la Constitution, qui est, selon moi, la pierre angulaire de tous nos droits », ajoute-t-elle en faisant siens des griefs exprimés par RFK Jr, dont le compte Instagram a été suspendu de 2021 à 2023 pour avoir diffusé maintes affirmations jugées fausses sur la COVID-19 ou les vaccins.

Dans son coin bucolique de New York, Andi Novick jouera un rôle clé au sein de la campagne du neveu du président John Kennedy et fils du sénateur Robert Kennedy, tous deux assassinés.

Elle y organise la récolte des signatures nécessaires pour assurer au candidat de 70 ans une place sur le bulletin de vote qui sera remis aux électeurs de l’État New York en novembre. Des efforts semblables sont en cours partout aux États-Unis, y compris dans les États clés.

Diviser le vote ?

Andi Novick s’inquiète-t-elle de la possibilité que ces efforts contribuent à l’élection de Donald Trump en privant Joe Biden de l’appui de démocrates comme elle ?

« Le fait que mon vote puisse entraîner l’élection de Trump est sans importance », répond la New-Yorkaise, qui voit en RFK Jr un digne représentant du « Parti démocrate de [sa] jeunesse », un parti « qui représente les classes ouvrière et moyenne, qui s’oppose aux guerres et qui remet en cause l’autorité ».

« Je ne veux pas que Trump soit élu. Je ne veux pas que Biden soit élu. Je veux que Kennedy soit élu », ajoute-t-elle en disant croire en ses chances et en faisant fi de son appui à la guerre que mène Israël contre le Hamas.

Voilà pourquoi les conseillers de Joe Biden ont peur de Robert Kennedy Jr. Ses partisans ne partagent pas tous le profil d’Andi Novick, mais ils pourraient être assez nombreux dans les États clés pour nuire au président sortant.

« Chaque fois qu’il y a un candidat indépendant, cela semble toujours affecter le candidat sortant plus que n’importe qui d’autre », analyse Thomas Whalen, professeur de sciences sociales à l’Université de Boston et auteur de livres sur les Kennedy.

Dans le cas présent, le nom ou la marque Kennedy est étroitement associé au Parti démocrate, en particulier pour les électeurs plus âgés. Même si Kennedy n’obtient qu’une poignée de voix dans un État aussi serré que la Pennsylvanie, cela pourrait coûter l’élection à Biden.

Thomas Whalen, professeur de sciences sociales à l’Université de Boston

« Et si les indépendants estiment que ce que vend Robert Kennedy est raisonnable, cela exacerbera le problème de Joe Biden. »

D’où les efforts déployés par les alliés du président pour accentuer ce qui leur semble déraisonnable chez RFK Jr, devenu figure de proue du mouvement antivaccin après s’être fait connaître comme avocat environnementaliste.

« Ce type n’a jamais rencontré une théorie du complot qu’il n’a pas aimée. Il pense que le WiFi donne le cancer, que les produits chimiques dans l’eau et dans les poissons rendent les enfants homosexuels et transgenres », a récemment déclaré la stratège démocrate Lis Smith au balado Pod Save America.

Certains électeurs républicains sont également attirés par Robert Kennedy Jr, selon les sondages. Mais il fait beaucoup moins peur au camp Trump qu’au camp adverse. La preuve : le milliardaire républicain Tim Mellon, le plus important donateur du Super PAC pro-Trump Make America Great Again, est aussi le plus important donateur du Super PAC pro-Kennedy American Values 2024.

Quant à Donald Trump, il s’est réjoui de la candidature de RFK Jr après que ce dernier a présenté sa colistière, Nicole Shanahan, avocate de la Silicon Valley et ex-femme du cofondateur de Google Sergey Brin.

« C’est l’adversaire politique de Joe Biden le corrompu, pas le mien. Je suis ravi qu’il se présente ! », a lancé l’ex-président sur Truth Social en décrivant Robert Kennedy Jr comme le « candidat le plus radicalement à gauche de la course ».

Mais les soi-disant idées de gauche de Robert Kennedy Jr font moins souvent les manchettes que les théories du complot auxquelles il est associé, au grand dam d’Andi Novick.

« Je pense que l’expression “théorie du complot” a été créée pour réduire au silence les personnes qui remettent en cause le narratif du gouvernement, dit-elle. L’expression “théorie du complot” était à peine utilisée jusqu’à ce que la CIA publie une note en 1967 selon laquelle toute personne contestant la version officielle de l’assassinat du président Kennedy devait être qualifiée de théoricien du complot afin de la faire taire et de la calomnier. Je pense que l’expression “théorie du complot” est utilisée comme le mot “communiste” l’était à l’époque du maccarthysme. »

Que pense-t-elle des opinions de RFK Jr sur les vaccins ?

« Je partage tout à fait son inquiétude. Les vaccins devraient être sûrs et efficaces et, en fait, leur sûreté et leur efficacité ne sont jamais testées. »

Cette opinion démentie par les spécialistes de la santé publique explique pourquoi ces derniers font également partie de ceux à qui Robert Kennedy Jr fait peur.