Le premier ministre indien Narendra Modi a inauguré en grande pompe lundi un nouveau temple construit dans la ville d’Ayodhya, à l’endroit où se trouvait une mosquée détruite il y a 30 ans par des extrémistes hindous.

Ce qu’il faut savoir

Le premier ministre indien, Narendra Modi, s’est donné un rôle central dans l’inauguration lundi d’un nouveau temple en l’honneur du dieu hindou Ram.

Le temple en question est érigé à l’endroit où se trouvait une mosquée qui avait été détruite en 1992 par des extrémistes hindous.

Le dirigeant indien, qui fait de la promotion de l’hindouisme un élément central de son programme politique, est accusé de bafouer à des fins électoralistes les dispositions de la Constitution visant à assurer la laïcité de l’État.

L’initiative du politicien, qui a fait de la promotion de l’hindouisme un pilier de sa carrière, est critiquée par des intellectuels et des membres de l’opposition lui reprochant de bafouer le principe de laïcité figurant au cœur de la Constitution du pays.

« Modi, par ses actions, a changé la nature de la discussion. Le caractère laïque de l’Inde a longtemps été un acquis. Désormais, c’est l’hindouisme qui est un acquis et l’intérêt de la laïcité qu’il faut démontrer », a commenté Salil Tripathi, écrivain indien établi à New York.

PHOTO RAJESH KUMAR SINGH, ASSOCIATED PRESS

Narendra Modi à son arrivée pour la cérémonie

Le premier ministre a joué un rôle central durant la cérémonie, au cours de laquelle une statuette en l’honneur du dieu hindou Ram a été bénie.

Narendra Modi a souligné qu’il avait multiplié jeûnes et rituels pendant une dizaine de jours en vue de se « purifier » pour l’évènement dans une allocution parsemée de références religieuses.

Plusieurs dirigeants de formations hindoues extrémistes, dont celui du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), étroitement lié au Bharatiya Janata Party (BJP) de M. Modi, étaient aux premières loges pour l’occasion.

Plus de 8000 dignitaires et vedettes de la télévision et du cinéma avaient été invités, et des dizaines de milliers de citoyens se sont présentés pour assister à la cérémonie. Ils ont pris le contrepied de nombreux dirigeants de l’opposition, qui ont accusé le premier ministre de vouloir se faire valoir à quelques mois de la tenue de nouvelles élections.

Les absents attachés « au caractère laïque »

Le premier ministre du Kerala, Pinarayi Vijayan, qui a refusé l’invitation, a déclaré que les élus absents cherchaient à « réaffirmer leur attachement au caractère laïque » du pays.

PHOTO VINAY GUPTA, AGENCE FRANCE-PRESSE

À l’extérieur du temple, des dizaines de milliers de fidèles ont envahi les rues de la ville.

Des leaders religieux hindous ont aussi exposé leur voix aux critiques en arguant que l’inauguration ne devrait pas avoir lieu avant que le temple ne soit terminé, ce qui prendra encore des mois.

« La tenue prochaine d’élections est la seule raison qui explique que l’inauguration a eu lieu à ce moment-ci », a indiqué M. Tripathi, qui s’est attiré l’ire de plusieurs internautes en ironisant sur la volonté de Narendra Modi de se présenter comme « un émissaire divin ».

« La rhétorique en ligne est vicieuse. Il y a beaucoup de trolls qui défendent le gouvernement », a souligné l’écrivain, qui s’inquiète moins pour lui que pour les minorités religieuses en Inde.

Le message envoyé [aux minorités religieuses en Inde] est que c’est une nation hindoue et qu’ils doivent respecter les limites fixées par la majorité pour être considérés comme des citoyens.

Salil Tripathi, écrivain indien établi à New York

Serge Granger, spécialiste de l’Inde rattaché à l’Université de Sherbrooke, a noté que Narendra Modi a défendu pendant des décennies l’idée de construire un temple à Ayodhya à la place de la mosquée présente sous prétexte que le dieu Ram serait né à cet endroit.

Le BJP avait participé à l’organisation de nombreuses manifestations hindoues ayant abouti en 1992 à la destruction de la mosquée à coup de pioches et de massues et à des émeutes meurtrières ciblant la communauté musulmane qui ont fait 2000 morts dans le pays.

La Cour suprême indienne a autorisé à la fin des années 1990 la construction d’un temple sur le site en question. Des terrains ont été alloués pour la reconstruction d’une mosquée, mais à des dizaines de kilomètres de là.

PHOTO MONEY SHARMA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des gens regardent l’allocution du premier ministre diffusée sur un écran géant.

« Une occasion en or »

« Modi a déclaré que l’inauguration du temple à Ayodhya était une occasion de célébrer l’unité de l’Inde, mais il s’agit plutôt d’une occasion de souligner l’unité hindoue », relève M. Granger.

« Le BJP ne va pas se priver d’une occasion en or pour raffermir le vote hindouiste », a souligné l’universitaire, qui s’attend à ce que le parti fasse encore bonne figure lors du scrutin à venir.

La suite des choses pourrait être encore plus difficile, a-t-il dit, pour les musulmans et les autres minorités religieuses du pays, qui ont vu leurs droits érodés par une série de projets de loi jugés discriminatoires au cours des dernières années.

Dans le plus récent rapport annuel de Human Rights Watch, les analystes relèvent que le gouvernement mené par le BJP a poursuivi en 2023 ses efforts pour « stigmatiser » les membres de minorités religieuses. Ils ajoutent que les partisans de la formation hindouiste ont multiplié les « attaques violentes » contre eux.

« Beaucoup de personnes issues des minorités tentent de vivre leur vie sans trop attirer l’attention. Elles n’ont pas vraiment le choix dans le contexte actuel », relève M. Tripathi.