(Bangkok) L’ancien premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, condamné à huit ans de prison pour des affaires de corruption, a déposé une demande de grâce royale depuis l’hôpital de Bangkok où il séjourne sous surveillance depuis son retour d’exil fin août.

Revenu au royaume le 22 août après un exil auto-imposé de quinze ans, le milliardaire de 74 ans n’avait passé que quelques heures derrière les barreaux avant d’être transféré dans un hôpital de la police pour des raisons de santé.

Le retour du charismatique dirigeant, au pouvoir entre 2001 et 2006 avant d’être renversé par l’armée, a coïncidé avec la désignation d’un premier ministre issu de son parti, Pheu Thai, après neuf ans de domination des généraux.

Mais le nouveau chef du gouvernement, Srettha Thavisin, a accédé au pouvoir au prix d’une alliance controversée des formations proarmée, ses anciens adversaires, qui a exclu les réformistes de Move Forward, vainqueurs du scrutin du 14 mai.

Cette main tendue a été considérée comme une monnaie d’échange pour favoriser le retour de Thaksin, qui pourrait bénéficier d’un aménagement ou d’une réduction de ses peines, selon des analystes.

« Nous avons reçu (la demande), le reste suivra selon la procédure », a déclaré jeudi le ministre de la Justice Wissanu Krea-ngam à des médias thaïlandais, des propos confirmés à l’AFP par un de ses conseillers.  

« La partie pour le gouvernement ne prend pas longtemps, cela dépend de la réflexion du roi », a indiqué le responsable, qui devra céder sa place dès la nomination du nouveau gouvernement, attendue ces prochains jours.

Délai d’examen d’un à deux mois

L’étude de la grâce royale prend « entre un et deux mois », avait indiqué la semaine dernière un responsable de l’administration pénitentiaire.

Après examen par le ministre de la Justice, la demande doit passer entre les mains du premier ministre puis du Conseil privé du roi Maha Vajiralonkgorn, avant la décision du souverain.

À son arrivée à un aéroport de Bangkok le 22 août, le premier geste en public de Thaksin avait été de s’incliner devant un portrait du roi et de la reine, une marque de respect envers la monarchie.

Il doit passer huit ans derrière les barreaux pour trois affaires de corruption et d’abus de pouvoir jugées en son absence, ayant trait à sa gestion du pays et de son ancienne entreprise Shin Corp.

Thaksin, l’ancienne bête noire de l’armée et des élites conservatrices, est une figure centrale de la vie politique thaïlandaise qui a contribué à polariser le royaume, entre les « rouges » qui le soutiennent et les « jaunes » défenseurs de la monarchie.

Populaire auprès des milieux ruraux du Nord et du Nord-Est, pour des mesures de redistribution pionnières dans un pays miné par les inégalités, il a été renversé par les généraux en 2006.

Problèmes de santé

Réfugié à l’étranger pour échapper à des condamnations qu’il juge motivées politiquement, le magnat des télécoms avait continué à exercer son influence, via Pheu Thai qui a conduit au pouvoir sa petite sœur Yingluck, de 2011 à 2014, avant un nouveau coup d’État des militaires.

À 74 ans, l’ancien propriétaire du club de football de Manchester City souffre de problèmes de santé, notamment au cœur. Il a justifié sa décision de rentrer par son envie de voir ses petits-enfants.

Un petit groupe anti-Thaksin s’est réuni jeudi après-midi dans la capitale Bangkok pour réclamer que l’ancien chef du gouvernement purge la totalité de sa peine.

Si Pheu Thai a repris le pouvoir, la formation contrôlée par la famille Shinawatra connaît un déclin dans les urnes face à la popularité de Move Forward, jugé plus radical dans son opposition à l’establishment.

Mais Move Forward, coqueluche des nouvelles générations, a échoué à obtenir l’investiture comme premier ministre de son chef de file, Pita Limjaroenrat, à cause de la résistance des milieux conservateurs qui s’opposent à son projet de réformer la loi sur la lèse-majesté.