(Vienne) Des scènes apocalyptiques sur une musique angoissante : une vidéo condamnant « le remplacement des populations » et « la terreur arc-en-ciel », diffusée par l’extrême droite, crée des remous en Autriche à un an des législatives où le parti FPÖ est donné gagnant.

On y voit défiler des images de la cathédrale de Notre-Dame de Paris brûlant et d’émeutes urbaines, dans un contraste avec celles de jeunes gens torche à la main dans la nature, de danses en costume traditionnel ou de soldats arme en bandoulière.

Mise en ligne dimanche sur la chaîne YouTube du Parti autrichien de la Liberté (FPÖ) par sa section jeunesse, le vidéoclip de deux minutes et demie a suscité de nombreuses réactions dans la classe politique et les médias, outrés par ce qu’ils qualifient de réminiscences nazies au pays de naissance d’Adolf Hitler.

Et si par le passé le parti a choqué, les commentateurs estiment qu’il a franchi un cap dans l’esthétique brune avec cette vidéo.

Le chancelier conservateur Karl Nehammer s’est offusqué mercredi à la télévision d’une production « jouant avec les images que nous connaissons du passé » et multipliant « les allusions historiques de manière sombre et menaçante ».

Initiative « formidable »

« Nous sommes la dernière chance de l’Autriche » face à « l’endoctrinement libéral-gauchiste » et à « la dystopie multiculturelle », clame la voix hors champ des « Freiheitliche Jugend » (Jeunesse libre, NDLR), vantant « la patrie ».

Devant la polémique, Herbert Kickl, le virulent chef du FPÖ, a défendu l’engagement « formidable » de ces jeunes, jugeant qu’il n’y avait pas de quoi « se scandaliser ».

Arrivé à la présidence du parti il y a deux ans après un houleux passage au gouvernement, l’ancien ministre de l’Intérieur a su reconquérir les électeurs après la déroute provoquée par un retentissant scandale de corruption en 2019.

Au vu de la courbe des sondages, son ascension semble solide : le mouvement fondé par d’anciens nazis est désormais donné en tête des élections de l’automne 2024, avec quelque 30 % des intentions de vote.  

Il devance largement les conservateurs – actuellement au pouvoir avec les Verts –, dont le durcissement du discours peine à porter ses fruits.

De la défense de frontières fermées à son refus de soutenir l’Ukraine, Herbert Kickl est partisan d’une ligne dure qui plaît aux militants.

Pour le politologue Peter Filzmaier, cette « inquiétante » vidéo marque une escalade, avec des éléments « dérangeants et même effrayants » assimilant les jeunes FPÖ à la mouvance radicale des identitaires.

« Cela rappelle les périodes les plus sombres de l’histoire autrichienne », dit-il.  

Balcon d’Hitler

On aperçoit par exemple le fameux balcon du palais impérial de Vienne d’où Hitler avait célébré l’annexion à l’Allemagne nazie le 15 mars 1938. Des journalistes sont par ailleurs présentés comme « des ennemis » à abattre.

Bernhard Weidinger, chercheur du centre de documentation sur la résistance autrichienne (DÖW), note « l’accumulation de références plus ou moins ouvertes aux idéologies des droites les plus extrêmes, que ce soit par les termes utilisés ou les références théoriques ».

Figurent ainsi des écrits des auteurs français Alain de Benoist ou Pierre Drieu la Rochelle, ou encore du dictateur portugais Antonio Oliveira Salazar.

Selon les médias autrichiens, la vidéo a été examinée par les services de renseignements (DSN) et signalée à la justice.

Contactée par l’AFP, la DSN a indiqué « surveiller des personnes et groupes susceptibles de mener des activités extrémistes et anticonstitutionnelles » mais ne pas pouvoir donner d’informations sur « d’éventuelles enquêtes ».

Selon M. Weidinger, plus rien ne retient le FPÖ vu qu’il est « conforté dans son orientation par sa vague de popularité observée depuis des mois ».  

D’autant que loin d’être devenu persona non grata, il a formé des coalitions avec ses adversaires politiques dans trois régions autrichiennes.

« Dans ce contexte, le parti n’est guère incité à changer d’approche », estime l’expert qui constate une stratégie à contre-courant de ses homologues européens.

Si ailleurs l’heure est plutôt à la « dédiabolisation », à l’image du Rassemblement national français, le FPÖ, pourtant « dans l’antichambre du pouvoir, envoie sans sourciller des signaux vers la frange la plus extrême ».