(Bichkek) « Cela fait plus de trois semaines que je n’ai pas d’eau courante », se lamente Imach Omorov, habitant de Bichkek. Dans la capitale du Kirghizstan, l’eau vient à manquer alors que les températures flirtent déjà avec les 40 °C.

Bidons de plusieurs litres chargés dans des brouettes, ils sont des dizaines ce matin à se précipiter lors du passage des camions-citernes dépêchés par la mairie dans les quartiers du sud de Bichkek, là où la pénurie se fait le plus sentir.

En ce début d’été, des restrictions pour gérer ce stress hydrique ont été introduites par les autorités qui espèrent une stabilisation à court terme malgré une situation qui s’aggrave selon elles d’année en année.

Cette situation illustre les difficultés croissantes des pays d’Asie centrale comme le Kirghizstan pour faire face aux bouleversements climatiques. Confrontés à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, ils ont peu de moyens pour y faire face et sont plombés par des infrastructures vétustes.

À Bichkek, l’eau a été coupée la nuit dans certains quartiers, des piscines et des stations de lavage pour voitures ont été fermées, l’arrosage nocturne interdit et des livraisons d’eau organisées.

« Il y a eu une distribution pendant deux heures, j’ai pu récupérer 150 litres, espérons que ça suffise pour les trois prochaines semaines », dit à l’AFP M. Omorov, 61 ans. Et quand son voisin est mort, « il était compliqué de laver le corps ».

Consommation en hausse

Comme d’autres riverains, il a brièvement participé au blocage cette semaine de l’une des principales avenues du sud de la capitale en signe de protestation contre la pénurie.  

Non loin de là, Kanychaï Bakirova, 59 ans, attend patiemment son tour, pendant que certains en profitent pour se laver le visage.

Depuis un mois, chez cette femme vivant avec sa famille de onze personnes, dont des enfants en bas âge, un mince filet d’eau s’écoule du robinet, quand il n’est pas à sec.

Et son métier aussi en pâtit. « Je suis blanchisseuse, mais je ne peux faire tourner que trois des machines à laver, même quand les gens m’apportent leurs vêtements sales », explique-t-elle.

Le manque d’eau potable est un problème chronique en Asie centrale : d’après la Banque mondiale, près d’un tiers des quelque 75 millions habitants de la région n’y ont pas accès.

Le Kirghizstan ne fait pas exception, avec un million de personnes sans eau potable dans cette ex-république soviétique montagneuse. Si ce problème aigu touche principalement les villages, c’est désormais la capitale qui est concernée, sur fond de forte croissante démographique.

PHOTO VYACHESLAV OSELEDKO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les autorités de Bichkek ont introduit des restrictions d’approvisionnement en eau, y compris des coupures nocturnes, car le niveau des nappes phréatiques a baissé de 15 à 20 mètres par rapport à l’année dernière.

« La consommation quotidienne d’eau par personne était d’environ 170 litres, mais elle a triplé, voire quadruplé avec la hausse des températures depuis mai », résume pour l’AFP Kadyrbek Otorov, ingénieur en chef de l’organisme responsable de la distribution d’eau à Bichkek.

Fonte des glaciers

Et la baisse du niveau des nappes phréatiques aggrave la situation dans une région, l’Asie centrale, déjà particulièrement vulnérable au changement climatique, avec une hausse des températures deux fois plus rapide que la moyenne, d’après les scientifiques.

« Le niveau des nappes phréatiques, qui fournissent de l’eau à 40-45 % de la ville, surtout le sud, a baissé de 15 à 20 mètres par rapport à l’an dernier », indique M. Otorov, qualifiant la situation de « jamais vue depuis huit à dix ans ».

Or, ces nappes phréatiques sont alimentées en grande partie par les glaciers, dont la fonte s’accélère, menaçant directement l’approvisionnement en eau de la population.

« L’eau potable n’est pas infinie, il faut absolument l’utiliser avec précaution », insiste le spécialiste, pointant du doigt le gaspillage d’eau.

Et pour ne rien arranger, la vétusté des infrastructures d’eau, datant pour la plupart de l’époque soviétique, est également en cause, entre sous-investissements et impossibilité de calculer avec précision la consommation dans certaines zones, faute de compteurs.

En réaction, les autorités ont alloué des fonds pour la rénovation et l’extension du réseau, notamment via de nouveaux forages et la construction de stations de pompage.