(Pékin) La Chine a accusé vendredi les Philippines d’avoir « délibérément » voulu provoquer un incident dans les eaux disputées de la mer de Chine méridionale, après une collision évitée de justesse entre deux vaisseaux de garde-côtes de chacun de ces pays.

Dans sa réponse à Pékin, Manille assure que « des patrouilles de routine dans nos propres eaux ne peuvent être ni préméditées ni provocatrices » et relèvent d’« un droit légal que nous avons exercé et que nous continuerons d’exercer ».

L’incident s’est produit dimanche près des îles Spratleys, au lendemain d’entretiens dans la capitale philippine du ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang avec le président philippin Ferdinand Marcos Jr visant justement à désamorcer la discorde dans ces eaux contestées. M. Marcos doit prochainement rencontrer son homologue américain Joe Biden à la Maison-Blanche à propos des tensions régionales croissantes.

Un bâtiment des garde-côtes chinois a coupé la route à un navire des garde-côtes philippins deux fois plus petit et ils se sont retrouvés à 45 mètres l’un de l’autre, évitant de justesse une collision, selon le commandant du bateau philippin à bord duquel se trouvaient des journalistes.

Une équipe de l’AFP, invitée sur un deuxième bâtiment philippin pour participer à six jours de patrouille, a été témoin du déroulement de l’incident, le dernier en date d’une longue série.

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, faisant fi d’un jugement international de 2016 en vertu duquel ses prétentions n’ont pas de fondement légal.

« Gravement en danger »

La Chine y a réaménagé et militarisé, ces dix dernières années, des milliers d’hectares de récifs où ont poussé pistes d’atterrissage, des ports et des systèmes radar.

Dimanche, deux navires des garde-côtes philippins se sont dirigés vers le récif de Second Thomas (Ren’ai pour la Chine, Ayungin pour les Philippines).

Ce dernier est situé à environ 200 km de l’île philippine de Palawan et à plus de mille kilomètres des terres chinoises les plus proches, à savoir l’île de Hainan.

Alors que le « Malapuasca » approchait du récif, un bâtiment des garde-côtes chinois lui a soudainement coupé la route. Une collision a été à deux doigts de se produire.

« En se précipitant dans les eaux du récif Ren’ai avec des journalistes à son bord, le bateau philippin a commis une provocation préméditée et délibérément cherché l’affrontement pour faire un battage médiatique », a dénoncé vendredi une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning.

L’équipage du bateau chinois a agi « de manière professionnelle et avec retenue », a-t-elle affirmé.  

Selon elle, « le navire des garde-côtes chinois assurait la sécurité de la souveraineté territoriale et de l’ordre maritime de la Chine, conformément à la loi, tout en prenant des mesures appropriées pour éviter l’approche dangereuse des bateaux philippins et éviter une collision ».

Son homologue aux Philippines, Teresita Daza, a accusé les garde-côtes chinois d’avoir mis « gravement en danger » l’équipage philippin.

Liberté de navigation

« L’interférence des garde-côtes chinois avec cette patrouille de routine contrevenait totalement avec la liberté de navigation et un certain nombre d’incidents répertoriés ont également comporté des manœuvres extrêmement dangereuses contraires aux pratiques normales de navigation », a ajouté Mme Daza.

Pendant les six jours de la patrouille philippine, des navires chinois, dont des garde-côtes, sont apparus à plusieurs reprises, suivant les deux bâtiments philippins et leur ordonnant de quitter les lieux, a raconté le commandant du Malapascua, Rodel Hernandez.

Ces bateaux philippins avaient pourtant signalé leur intention de naviguer dans ce secteur, précisant vouloir effectuer une « étude de site ». Ils avaient demandé aux navires chinois de « rester à l’écart ».

Depuis son arrivée à la présidence philippine en juin dernier, Ferdinand Marcos Jr a juré qu’il ne laisserait pas la Chine empiéter sur les droits maritimes de son pays.  

Pour ce faire, il cherche à améliorer les relations avec les États-Unis, un allié de longue date des Philippines, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte.

Leur coopération en mer de Chine méridionale s’est donc intensifiée. Début avril, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale, non loin de Taïwan, au grand dam de Pékin.