(Suva) Les Fidjiens votent mercredi pour des législatives à l’issue incertaine, avec deux ex-putschistes en lice pour le poste de premier ministre de cette jeune démocratie du Pacifique.

L’actuel chef du gouvernement Frank Bainimarama, arrivé au pouvoir il y a près de 16 ans à l’issue d’un coup d’État avant de rétablir la démocratie en 2014, cherche à obtenir un troisième mandat.

Pour l’emporter, sa formation FijiFirst devra battre celle de son rival de longue date, Sitiveni Rabuka, un ex-premier ministre qui avait organisé deux coups d’État en 1987 et dirigé le pays de 1992 à 1999.

PHOTO TIRÉE DU SITE FIJIVILLAGE.COM

L'ex-premier ministre fidjien Sitiveni Rabuka

Ces dernières années, M. Bainimarama a troqué son treillis pour des tenues colorées, devenant un ardent militant de la lutte contre le réchauffement climatique qui menace ce pays de faible altitude.

Le scrutin s’annonce serré, selon les commentateurs locaux, après une campagne entachée de soupçons de corruption, de poursuites judiciaires et des menaces contre des journalistes.

« Certains s’inquiètent de la possibilité d’un nouveau coup d’État », avertissent les analystes Lucy Albiston et Blake Johnson, dans un article publié par l’ONG australienne ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

« Bien qu’il n’y ait pas de sondages préélectoraux fiables, il semble que M. Rabuka pourrait l’emporter », ajoutent-ils, notant que M. Bainimarama, contrairement à son adversaire, ne s’est pas engagé à respecter le résultat de l’élection.

Les Fidji ont connu deux scrutins démocratiques en 2014 et 2018 après 35 ans d’instabilité marqués par quatre coups d’État.

Le rôle de l’armée sera essentiel. Le commandant général Jone Kalouniwai a affirmé que ses forces « honoreront le processus démocratique en respectant le résultat ».

L’organisation américaine de promotion de la démocratie Freedom House estime que les Fidji sont « partiellement libres », le « climat répressif » issu des précédents coups d’État s’étant atténué.

Elle souligne cependant que « le parti au pouvoir interfère fréquemment avec les activités de l’opposition, que le système judiciaire est sous influence politique et que les violences commises par l’armée et la police constituent un problème important ».

Arme à double tranchant

M. Bainimarama a qualifié le scrutin de mercredi de « plus important de tous les temps ».  

Pendant la pandémie, les milliers de personnes qui vivaient du tourisme se sont retrouvées au chômage et le montant de la dette du pays a explosé. De plus, l’inflation frise actuellement les 5 %.

« Nous connaissons les enjeux : notre redressement, nos emplois, le soutien des familles et un fort leadership qui sert tout le monde de manière égale », a lancé M. Bainimarama lors de la campagne électorale.  

Les précédents scrutins traduisaient une large fracture entre les Indo-Fidjiens — descendants des travailleurs sous contrat venus d’Inde — et les Fidjiens indigènes, ou iTaukei.  

M. Bainimarama a été l’un des premiers hommes politiques à comprendre l’importance de former une coalition entre les deux.  

Cependant, le fait d’être au pouvoir depuis 2006 est une arme à double tranchant pour l’actuel premier ministre, selon le commentateur politique Shailendra Singh, de l’Université du Pacifique Sud à Suva.  

Cela peut être « une malédiction dans la mesure où les gens pourraient avoir le sentiment que ce gouvernement est au pouvoir depuis trop longtemps », ajoute M. Singh à l’AFP, pointant une possible « lassitude des électeurs ».

Lors d’un dernier rassemblement de campagne, M. Rabuka — ancien joueur international de rugby — a déclaré que les Fidjiens étaient prêts pour le changement.

« Après 16 ans d’un régime dictatorial désastreux, nous sommes sur le point d’en finir », a-t-il lancé à ses partisans. « Nous allons les reléguer dans la poubelle de l’histoire où ils ont leur place ».