(Morbi) Le nombre de victimes était si élevé que les familles ont dû faire la queue lundi pour inhumer leurs proches, morts la veille dans l’effondrement du pont piétonnier de Morbi, dans l’ouest de l’Inde.

Des centaines de personnes endeuillées se tenaient lundi, au milieu du cimetière musulman de Morbi, à environ 200 kilomètres à l’ouest d’Ahmedabad, la principale ville de l’État du Gujarat, au lendemain de l’accident dans lequel au moins 137 personnes ont trouvé la mort.  

Dans l’attente de la cérémonie, les membres des familles se serraient les uns contre les autres, tentant de se consoler mutuellement ; certains criaient leur douleur, d’autres sanglotaient en silence, tandis que des bénévoles leur offraient de l’eau.

Le processus d’inhumation des corps était ralenti par une pénurie de cercueils et de fossoyeurs, face au nombre élevé de victimes.

Des parents des victimes étaient parfois obligés de creuser eux-mêmes les tombes de leurs proches.

Le responsable du cimetière, Mohammad Toufeeq, a pourtant assuré que ses équipes avaient travaillé sans relâche. « Nous n’avons ni dormi ni mangé quoi que ce soit depuis la nuit dernière », a-t-il confié.

Une cinquantaine de crémations hindoues et 19 inhumations musulmanes se sont notamment déroulées lundi. Dix-huit autres enterrements sont prévus mardi.  

PHOTO SAM PANTHAKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le processus d’inhumation des corps était ralenti par une pénurie de cercueils et de fossoyeurs, face au nombre élevé de victimes.

Un homme d’affaires local Rafiq Gaffar enterrait lundi deux de ses neveux, Nisar Iqbal, 21 ans, et Arman Irfan, 12 ans, qui avaient quitté leur foyer en expliquant qu’ils se rendaient sur le pont, datant de l’époque coloniale britannique, mais qui venait d’être rénové.

« Fin du monde »

Les autorités ont évalué à 500 le nombre des personnes qui célébraient les fêtes de Diwali sur ce pont piétonnier lorsque les câbles le soutenant ont cédé peu après la tombée de la nuit.

Quand les parents de Nisar et Arman ont eu vent de l’effondrement de l’ouvrage, ils se sont précipités sur les lieux.  

« C’était le chaos », raconte Rafiq Gaffar, 45 ans, « les gens pleuraient et se lamentaient. C’était une scène de fin du monde ».

« Il y avait des corps qui flottaient partout sur les eaux et des personnes coincées sur le pont qui appelaient désespérément du secours », se souvient-il, « nous pouvions voir les gens crier à l’aide, mais nous ne pouvions rien faire, car il faisait nuit ».

PHOTO STRINGER, REUTERS

Des travailleurs retirent des débris au lendemain de l'effondrement du pont suspendu.

« Beaucoup d’entre nous ont sauté dans la rivière et ont essayé de les sauver », poursuit-il.

Pendant huit heures, leurs familles ont cherché en vain les deux garçons. Finalement, vers six heures du matin lundi, leurs corps ont été repêchés.  

« Notre famille est anéantie, c’est difficile de surmonter une telle perte. Arman était l’aîné de trois frères », ajoute-t-il, « il allait encore à l’école, il était trop jeune pour mourir ».  

Nisar, lui, venait de commencer à travailler dans un magasin de pièces détachées et contribuait à gagner de l’argent pour sa famille.

« Brisés, anéantis »

« Notre vie entière ne suffira pas à nous sortir de cette tragédie », soupire Rafiq Gaffar

Neuf personnes, toutes associées à une entreprise assurant l’entretien du pont, font l’objet d’une enquête pour homicides involontaires, a annoncé lundi la police.  

Pourtant, Rafiq Gaffar, dit ne rien attendre de la justice : « Les puissants dirigent ce pays et les pauvres souffrent. Personne ne sera jamais tenu pour responsable de ces décès ».  

Qadir Bhai Sama, 80 ans, se souvient de ses promenades sur le pont, avec son petit-fils, Sahil Dilawar Sama, quand il était enfant.  

Aujourd’hui âgé de 17 ans, il s’y est rendu pour la dernière fois dimanche, avec trois de ses amis.

« Il avait promis à sa mère qu’il serait de retour deux heures plus tard, mais le lendemain, c’est sa dépouille qui nous a été restituée », raconte le grand-père.

Deux des trois amis qui l’accompagnaient ont survécu et été hospitalisés.

Selon un officier de la police locale, une cinquantaine d’enfants figurent parmi les 137 morts recensés lundi après-midi. Le plus jeune était un petit garçon de deux ans.

« Toute la région est en deuil », souligne le responsable du cimetière, Mohammad Toufeeq. « Nous sommes brisés, anéantis. Aucun mot ne peut décrire notre perte ou atténuer notre douleur. »