(Sydney) Canberra prévoyait de préférer les sous-marins américains aux britanniques, a affirmé jeudi l’ancien ministre australien de la Défense, levant le voile sur des délibérations, habituellement tenues secrètes, ayant fait suite à la rupture d’un gros contrat avec la France.

Assurant jeudi qu’« aucune décision » n’a été prise, le nouveau gouvernement australien s’est indigné de ces propos « désinvoltes » de l’ex-ministre de la Défense Peter Dutton, qui a quitté ses fonctions en mai après la défaite des conservateurs aux législatives.

Dévoilant le projet jusque-là secret d’achats de sous-marins américains de la classe Virginia, M. Dutton a indiqué, dans un article pour The Australian, qu’il avait prévu d’acheter à Washington d’ici 2030 deux de ces sous-marins à propulsion nucléaire et d’en construire huit autres afin de porter la flotte à dix bâtiments.

Ce projet devait être la pièce maîtresse de la stratégie australienne de défense face à une Chine de plus en plus agressive sous la présidence de Xi Jinping.

Les propos de M. Dutton, devenu chef de l’opposition, « portent atteinte à l’intérêt national de l’Australie », a fustigé jeudi le nouveau ministre de la Défense et vice-premier ministre Richard Marles.

« Le gouvernement n’a pris aucune décision sur le sous-marin qu’il préfère. Toutes les options sont sur la table », a-t-il déclaré dans un communiqué transmis à l’AFP.

L’ancien gouvernement avait dénoncé un contrat d’achat de sous-marins français à propulsion conventionnelle diesel-électrique pour plus de 50 milliards d’euros, leur préférant des sous-marins britanniques ou américains à propulsion nucléaire.

« Politique de bas étage »

Cela s’inscrivait dans une nouvelle alliance formée en septembre entre Canberra, Londres et Washington, surnommée AUKUS. L’Australie mène une étude de 181 mois sur ses options en matière de sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre de l’accord AUKUS.

M. Marles a qualifié les déclarations de son prédécesseur de « politique de bas étage ».

« Les propos sont désinvoltes et sapent l’accord AUKUS », a-t-il déploré.

Dans The Australian, M. Dutton souligne que les sous-marins américains sont capables de lancer des missiles à la verticale et sont basés sur une « conception éprouvée ».

Le sous-marin de la classe Astute britannique, quant à lui, est de conception récente avec des dépassements de coûts et des défauts de conception « inévitables », ajoute-t-il.

Selon M. Dutton, l’Australie a besoin de sous-marins à propulsion nucléaire pour concurrencer la Chine, car ils sont plus furtifs que les appareils à propulsion conventionnelle et ne nécessitent pas de remonter à la surface pour recharger les batteries.

Pour éviter un hiatus lors du remplacement des six sous-marins australiens de la classe Collins, M. Dutton indique qu’il avait prévu d’acheter directement deux sous-marins aux États-Unis dans les dix ans.  

Il faudra attendre 2038 pour que les premiers des huit autres sous-marins de conception américaine soient construits en Australie, comme l’ancien gouvernement l’avait promis.  

L’ex-ministre dit craindre que le nouveau gouvernement soit « sur le point de prendre une décision très dangereuse », comme la construction d’une nouvelle classe de sous-marins diesel-électrique.

« Il s’agissait clairement de discussions confidentielles, que (M. Dutton) a eues avec les Américains, qu’il n’était pas prêt à divulguer lorsqu’il était en responsabilité, et pourtant, il le fait ensuite », a souligné Sam Roggeveen, directeur du programme de sécurité internationale au Lowy Institute. Ce qui est « très inhabituel ».