(Rangoun) Les rues de Birmanie sont restées vides mardi et des habitants, retranchés dans leur domicile, ont applaudi en signe de défi à la junte pour marquer le premier anniversaire du coup d’État qui a plongé le pays dans la violence.

Rangoun, la capitale économique, est restée déserte, de nombreux magasins gardant porte close. L’appel à la grève silencieuse, lancé par les opposants au régime, a été très suivi à travers toute la Birmanie, de l’État Shan (est) à l’État Kachin (nord) en passant par Mandalay (centre).

« Le silence est le cri le plus fort que nous pouvons lancer contre les soldats et leur sanglante répression », a écrit une opposante sur Twitter. Des photos de Birmans restés chez eux et saluant à trois doigts en signe de résistance ont afflué sur les réseaux sociaux.

En fin d’après-midi, des applaudissements soutenus ont retenti dans plusieurs villes pour marquer la fin de la grève silencieuse, ont constaté des journalistes de l’AFP.  

Les autorités ont averti que de telles actions pourraient être qualifiées de haute trahison, un crime passible de longues années de détention. A Rangoun, dix personnes ont été arrêtées, selon des médias locaux.

Attentat à la bombe

Des manifestations promilitaires dans des régions non spécifiées du pays ont eu lieu, d’après des vidéos non datées fournies par les autorités. Des partisans du régime ont brandi le drapeau national et dénoncé les « Forces de défense du peuple », ces milices citoyennes qui mènent régulièrement des opérations de guérilla contre les militaires.

Un attentat à la bombe contre un rassemblement projunte à Tachilek (est) a fait plusieurs victimes, ont indiqué des médias locaux, sans donner de bilan exact. L’AFP n’était pas en mesure dans l’immédiat de vérifier ces informations.

De son côté, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis d’organiser des élections « libres et équitables […] dès que la situation serait pacifiée et stabilisée ».

Depuis son coup d’État contre Aung San Suu Kyi, plus de 1500 civils ont été tués et près de 9000 sont détenus dans les geôles du régime, d’après un observatoire local qui dénonce des cas de viols, de torture et d’exécutions extrajudiciaires.

Face à cette spirale de violence, la communauté internationale a accru lundi la pression sur les généraux.

L’ONU a fait savoir qu’elle enquête sur des crimes contre l’humanité.  

« La justice internationale a la mémoire très longue », a averti Nicholas Koumjian, à la tête du Mécanisme onusien d’enquête indépendant pour la Birmanie.

Les États-Unis ont de leur côté imposé, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada, de nouvelles sanctions financières.

Sont notamment ciblés les plus hauts responsables judiciaires du pays, le procureur général Thida Oo, le président de la Cour suprême Tun Tun Oo et le chef de la commission anticorruption Tin Oo.

« Pas oublié »

« Tant que le régime privera le peuple de Birmanie de sa voie démocratique, nous le ferons payer aux militaires et à leurs partisans », a mis en garde le président américain Joe Biden. « Je dis au peuple birman : nous n’avons pas oublié votre combat ».

Depuis le putsch qui a mis fin à une décennie de transition démocratique,  Aung San Suu Kyi, 76 ans, est assignée à résidence dans un endroit tenu secret.

La prix Nobel de la paix est visée par une multitude de chefs d’accusation (violation d’une loi sur les secrets d’État datant de l’époque coloniale, fraude électorale, sédition, incitation aux troubles publics, corruption…).  

Lundi, elle a été de nouveau inculpée, accusée cette fois d’avoir fait pression sur la commission électorale lors des législatives de 2020 remportées massivement par son parti et annulées depuis par la junte.

Déjà condamnée à six ans de prison, elle risque des décennies de détention au terme de son procès.

Le pays a plongé dans le chaos ces douze derniers mois. La rébellion, menée par des milices citoyennes et des factions ethniques, s’intensifie, poussant la junte à encore durcir sa répression. Ces violences ont déjà fait plusieurs centaines de milliers de déplacés.

L’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, Noeleen Heyzer, a plaidé pour la tenue prochaine d’une « réunion humanitaire » avec « la plupart des parties prenantes » au conflit.

Dans une déclaration commune, les ministres des Affaires étrangères d’Australie, des États-Unis, ou encore de l’Union européenne ont exhorté la communauté internationale à mettre un terme « au flux d’armes » vers la Birmanie.  

Des déclarations jugées trop timides par de nombreux experts qui exhortent les Nations unies à décréter un embargo mondial sur les armes.

« Le fait qu’une année se soit écoulée sans qu’aucune résolution du Conseil de sécurité n’impose un (tel) embargo est inacceptable », a déclaré Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie.