(Almaty) Les émeutes qui ont secoué le Kazakhstan cette semaine auraient fait plus de 160 morts, les autorités du plus grand pays d’Asie centrale continuant leur implacable répression, avec près de 6000 arrestations.

Rien qu’à Almaty, la capitale économique où se sont déroulées les émeutes les plus violentes, 103 personnes ont été tuées sur un total de 164 dans le pays, selon un bilan paru dimanche sur la chaîne Telegram du gouvernement avant d’être retiré, le ministère de la Santé ayant indiqué à des médias russes et kazakhs que l’information avait été publiée par erreur.

Il n’y a toutefois pas eu de démenti officiel de ces chiffres ni de nouveau bilan.

Dans une déclaration envoyée aux médias lundi, le ministère des Affaires étrangères a affirmé que les articles des médias étrangers avaient créé « la fausse impression que le gouvernement du Kazakhstan s’en était pris à des manifestants pacifiques. Nos forces de sécurité ont affronté des foules violentes qui ont commis des actes de terreur éhontés ».

Ce bilan, qui n’a pas pu être vérifié de manière indépendante, est en forte hausse, les autorités ayant jusqu’ici fait état de 26 manifestants et 16 membres des forces de sécurité tués et de plus de 2000 personnes blessées.

PHOTO ALEXANDR BOGDANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des policiers ont bloqué une rue du centre d’Almaty à la suite d’une manifestation, le 7 janvier.

La présidence a annoncé dimanche que 5800 personnes avaient été arrêtées, parmi lesquelles « un nombre substantiel d’étrangers », et 125 enquêtes ouvertes dans le sillage de ces émeutes inédites depuis l’indépendance, en 1989, de ce pays de 19 millions d’habitants riche en hydrocarbures.

« La situation est stabilisée dans toutes les régions du pays », même si les forces de sécurité mènent encore des opérations de « nettoyage », a déclaré la présidence à l’issue d’une réunion de crise avec le chef de l’État, Kassym-Jomart Tokaïev.

La contestation a débuté en province dimanche dernier après l’augmentation des prix du gaz, avant de gagner de grandes villes, notamment Almaty, où la police a tiré à balles réelles sur les manifestants prenant d’assaut des bâtiments officiels.

Selon le ministère kazakh de l’Intérieur, le préjudice matériel causé par les violences a été initialement évalué à environ 175 millions d’euros.

Plus de 100 commerces et banques ont été pillés et plus de 400 véhicules détruits, selon la même source.

Le Kazakhstan avait annoncé samedi l’arrestation de l’ex-directeur des services de renseignement Karim Massimov, première personnalité majeure interpellée, pour des soupçons de « haute trahison ».

Refusant tout dialogue avec les manifestants, le président Tokaïev avait autorisé vendredi ses forces à « tirer pour tuer ».

Condamnant cet ordre, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a estimé dimanche sur ABC que « les autorités au Kazakhstan devraient être capables de s’occuper des défis auxquels elles font face de façon pacifique, pour s’assurer que les droits de ceux qui manifestent pacifiquement soient protégés ».

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Internet rétabli lundi à Almaty

Internet a été rétabli lundi à Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan, après une coupure de cinq jours alors que des affrontements meurtriers ont fait des dizaines de morts, a constaté un correspondant de l’AFP.

Dans la capitale économique de 1,8 million d’habitants, les sites web locaux et étrangers étaient à nouveau accessibles lundi, décrété jour de deuil après les pires troubles de l’histoire indépendante de l’ex-république soviétique.

La vie revenait progressivement à la normale à Almaty lundi, ont constaté les correspondants de l’AFP, les transports publics étant visibles sur les routes de la ville pour la première fois depuis le début des violences.

« Douleur » du pape

La situation au Kazakhstan est suivie avec inquiétude à l’étranger. Le pape François a ainsi exprimé dimanche sa « douleur » et appelé au « dialogue » pour retrouver la paix.

Moscou a déployé des troupes dans le pays d’Asie centrale dans le cadre d’un contingent multinational de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), à l’appel de M. Tokaïev.

Les États-Unis ont estimé qu’il serait « très difficile » pour le Kazakhstan d’obtenir le départ des militaires russes, une critique que Moscou a qualifiée samedi de « grossière ».

Alors que des représentants américains et russes doivent se réunir à partir de dimanche soir à Genève pour parler de l’Ukraine et de l’Europe, Moscou a exclu toute discussion avec Washington sur le Kazakhstan.

« Cette question ne les regarde en rien », a balayé le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.