(Rangoun) Des dizaines de personnes sont portées disparues dans une mine de jade du nord de la Birmanie à la suite d’un glissement de terrain mercredi, tandis qu’un corps sans vie a été retrouvé.

Les conditions de travail sont particulièrement dangereuses dans ce secteur d’activité opaque et peu réglementé, qui emploie des travailleurs migrants mal payés pour extraire des collines dénudées des pierres précieuses très convoitées dans la Chine voisine. Le tout au prix de dizaines de morts chaque année.  

Les secours ont d’abord annoncé qu’au moins 70 personnes étaient portées disparues après la catastrophe survenue vers quatre heures (16 h 30 HNE mardi) à Hpakant, dans l’État Kachin, avant de dire qu’ils essayaient toujours de confirmer ce nombre.

« Les recherches ont été pour le moment arrêtées, nous les reprendrons demain matin lorsque le brouillard et la brume se seront dissipés », a déclaré à l’AFP Ko Jack, un responsable des opérations de sauvetage.  

« Il semble qu’elles soient ensevelies. Il fait froid ici, c’est pourquoi nous nous sommes arrêtés, mais nous allons continuer », a-t-il poursuivi.

Un de ses collègues, Ko Ny, a de son côté raconté à l’AFP qu’il y avait eu un mort et que 25 blessés avaient été hospitalisés.

« Ils creusent la nuit et le matin »

La pression accrue exercée par le poids de la terre et des rochers déversés a entraîné le bas de la colline vers le lac voisin, a-t-il expliqué.

Selon lui, des centaines de travailleurs sont retournés à Hpakant pendant la saison des pluies pour prospecter dans les mines à ciel ouvert, malgré l’interdiction imposée par la junte jusqu’en mars 2022.

« Ils creusent la nuit et le matin, ils déversent la terre et la roche », a-t-il souligné.

À la suite d’un moratoire en 2016, beaucoup de grandes mines ont fermé et ne sont plus surveillées, permettant le retour de nombreux mineurs indépendants. Issus de communautés ethniques défavorisées, ces derniers opèrent quasi clandestinement dans des sites laissés à l’abandon par les pelleteuses.

De fortes pluies de mousson ont provoqué en 2020 le pire drame de cette nature, avec 300 mineurs ensevelis après un glissement de terrain dans le même massif de Hpakant, le cœur de cette industrie, près de la frontière chinoise.

Les glissements de terrain sont fréquents dans cette région pauvre et isolée, aux allures de paysage lunaire tant elle a été altérée par les grands groupes miniers, au mépris de l’environnement.

Mobilisation des secours

Environ 200 secouristes ont participé mercredi aux recherches, certains à bord de bateaux pour tenter de repêcher des corps sur le lac, a encore dit Ko Ny.

Les photos diffusées par les services d’incendie montrent des dizaines de personnes alignées sur les rives et des sauveteurs sortant de l’eau un objet non identifié.

Selon les services de lutte contre les incendies, les pompiers de Hpakant et de la ville voisine de Lone Khin participaient aux opérations de secours, mais ils n’ont communiqué aucun bilan.

L’accès aux mines situées dans cette région est fortement limité par l’armée et l’accès à internet est inégal.

Le média Kachin News Group a pour sa part affirmé que plus de 20 mineurs avaient péri mercredi.

Une industrie très lucrative

Le commerce du jade génère plus de 30 milliards de dollars par an, près de la moitié du Produit intérieur brut de la Birmanie.

Une très faible partie de cette manne financière finit dans les caisses de l’État birman, la plupart du jade de qualité étant envoyé en contrebande en Chine où la demande pour cette pierre, censée symboliser la prospérité, semble insatiable.

Ce commerce draine en revanche des fortunes pour les militaires qui contrôlent l’accès à la région de Hpakant depuis le début des années 1990 et détiennent de nombreuses concessions minières.

Autre acteur incontournable : l’Armée de l’indépendance Kachin (KIA), une faction rebelle en lutte depuis des décennies contre les militaires pour le contrôle des mines et des revenus qu’elles génèrent.

Au final, tout le monde perçoit des pots-de-vin et le jade finance de nombreux conflits entre forces gouvernementales et groupes ethniques dans la région et même au-delà.

Le coup d’État de février a anéanti toute chance d’aboutir à une réforme du secteur entamée sous Aung San Suu Kyi, a jugé l’organisme de surveillance Global Witness dans un rapport paru en 2021.