(Nouméa) Au lendemain du référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie remporté par les partisans du maintien dans la France de cet archipel stratégique, le rejet du résultat par les indépendantistes révèle un territoire toujours aussi fracturé pour aborder les discussions sur son avenir politique.

Selon les résultats définitifs de ce troisième et dernier référendum sur l’indépendance de cet archipel de l’océan Pacifique, le non l’a emporté avec 96,49 % des voix, contre 3,51 % au oui. Aux deux précédents scrutins, le non avait obtenu 56,7 % des suffrages en 2018 puis 53,3 % en 2020.

Ce résultat écrasant est à relativiser au regard de la participation, de seulement 43,90 %, soit à peine plus de la moitié du taux des précédents référendums, la consigne de boycottage ayant manifestement été suivie par les partisans du oui. Cet appel a été lancé par les indépendantistes qui réclamaient le report du vote à septembre 2022, arguant « d’une campagne équitable impossible » du fait de la pandémie de COVID-19.

Les indépendantistes regroupés au sein du Comité stratégique indépendantiste de non-participation « ne reconnaissent pas la légitimité et la validité de ce scrutin qui leur a été confisqué », ont-ils indiqué dans un communiqué.

Le président français Emmanuel Macron a, lui, salué dimanche cette victoire du non. « Ce soir, la France est plus belle, car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester », a-t-il déclaré, reconnaissant néanmoins que le corps électoral est resté « profondément divisé malgré le passage des années ».

Le résultat du référendum était scruté bien au-delà des frontières de la France, notamment chez l’ambitieux voisin chinois, principal acheteur du nickel dont la Nouvelle-Calédonie est un des premiers producteurs mondiaux. C’est aussi un important producteur de cobalt, indispensable pour la fabrication de batteries.

L’archipel de plus 200 000 habitants apporte aussi à la France une vaste zone économique exclusive (ZEE) de quelque 1,5 million de km2 soit plus d’un dixième du total national et un emplacement stratégique dans la région indopacifique, sur fond d’extension de l’influence chinoise.

 « La voie du dialogue a été rompue par l’entêtement d’un gouvernement français incapable de concilier ses intérêts géostratégiques dans le Pacifique et son obligation à décoloniser notre pays », ont assuré les indépendantistes, se référant « aux résolutions de l’ONU qui a inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des pays à décoloniser » .

« Période de transition »

Les Calédoniens sont engagés dans ce processus depuis les années 1980, période de troubles entre les Kanak, premiers habitants de l’archipel, et les Caldoches, descendants des colons blancs. Ces violences ont culminé avec la prise d’otages et l’assaut de la grotte d’Ouvéa en mai 1988, au cours desquels 19 militants kanak et six militaires ont été tués.

Moins de deux mois après ce drame, indépendantistes et loyalistes arrivaient à conclure les accords de Matignon, qui revoyaient la répartition des pouvoirs en Nouvelle-Calédonie. Dix ans plus tard, la signature de l’accord de Nouméa instaurait un processus de décolonisation sur vingt ans pour cette collectivité d’outre-mer française.

Cet accord prévoyait une succession de trois référendums pour demander aux habitants s’ils voulaient que l’archipel « accède à la pleine souveraineté et devienne indépendant » .

« L’accord de Nouméa arrive à son terme juridique », a rappelé M. Macron, alors que s’ouvre désormais une « période de transition qui libère de l’alternative binaire entre le oui et le non » et qui « doit nous conduire à bâtir un projet commun » .

Les indépendantistes ont prévenu qu’ils récusaient toute rencontre avec le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, arrivé vendredi à Nouméa, avant les élections présidentielle et législatives françaises de 2022, jugeant que sa présence « relève plus de la campagne présidentielle qu’elle n’est porteuse de solutions d’avenir » .

« L’État n’entend pas non plus confondre vitesse et précipitation », a affirmé à l’AFP M. Lecornu, qui concentrera sa visite jusqu’à mercredi aux finances locales, à la situation sanitaire et à l’industrie du nickel.

Un calendrier défini en juin à Paris par les acteurs calédoniens prévoit que ce troisième référendum soit suivi d’une période de transition de 18 mois pour organiser un référendum de projet, en fonction du résultat, avant le 30 juin 2023.