La Chine, qui poursuit sous la gouverne de son président Xi Jinping une campagne musclée pour étouffer toute forme de journalisme indépendant dans les territoires sous son contrôle, serre l’étau à Hong Kong.

L’ex-colonie, qui occupait le 18e rang en 2002 dans le premier classement mondial de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse, a reculé aujourd’hui au 80e rang, souligne l’organisation dans un nouveau rapport portant sur « le grand bond en arrière du journalisme chinois ».

Les restrictions au travail journalistique à Hong Kong ont commencé il y a longtemps, mais se sont considérablement aggravées avec l’introduction d’une loi sur la sécurité nationale qui confère aux autorités une grande latitude pour sanctionner les comportements jugés indésirables.

La loi en question, qui prévoit de lourdes peines pour toute forme de subversion, de sécession ou de collusion avec l’étranger – des concepts vaguement définis –, agit comme un puissant frein et explique qu’une douzaine de journalistes sont aujourd’hui poursuivis pour des crimes allégués contre l’État.

Quatre autres sont poursuivis pour des crimes qui ne sont pas liés à la sécurité nationale, incluant deux journalistes accusés d’avoir « participé à une émeute » parce qu’ils ont couvert en 2019 l’entrée par la force de manifestants dans le complexe hébergeant le gouvernement local.

« Le fait qu’ils se retrouvent aujourd’hui sur le banc des accusés pour la simple raison d’avoir fait leur métier est une nouveauté qui en dit long sur le récent déclin de la liberté de la presse à Hong Kong », relève RSF, qui s’inquiète par ailleurs de voir des hommes proches du régime chinois être propulsés à la tête de médias locaux.

L’indépendance du groupe audiovisuel Radio Television Hong Kong (RTHK) a notamment été mise à mal par l’arrivée d’un bureaucrate au poste de directeur des programmes qui a rapidement retiré une douzaine d’émissions et des archives sensibles, incluant des images montrant une commémoration du massacre de la place Tiananmen.

Ce nouveau directeur, Patrick Li, a aussi menacé de réduire de moitié les salaires des journalistes produisant du contenu qu’il juge inacceptable.

RTHK a ainsi adopté une directive en septembre demandant au personnel « de soutenir le gouvernement dans la sauvegarde de la sécurité et des intérêts nationaux » et de ne pas « provoquer ou aggraver » l’hostilité de la population à son encontre.

La multiplication des atteintes à la liberté de la presse affecte le moral des journalistes.

Un sondage mené durant l’été par le Club des correspondants étrangers indique que près de la moitié d’entre eux envisagent de s’établir à l’étranger.

Le président de l’Association des journalistes de Hong Kong, Ronson Chan, a indiqué que la situation représentait un véritable « dilemme » pour de nombreux travailleurs de l’information qui veulent protéger leur famille et se prémunir contre de nouveaux ennuis sans savoir exactement « ce qu’ils pourraient faire en tant que journalistes dans un pays étranger ».

Le risque est encore plus important en Chine continentale, où 127 journalistes et défenseurs de la liberté de la presse sont aujourd’hui détenus.

Pékin impose des restrictions sans cesse plus importantes aux professionnels de l’information, qui doivent notamment réussir un examen montrant leur « fidélité » aux orientations du Parti communiste chinois et à Xi Jinping pour pouvoir obtenir leur carte de presse.

Selon RSF, le processus requiert le chargement d’une application nommée Étudier Xi, conçue par le géant chinois Alibaba, qui permettrait, selon des spécialistes en cybersécurité, de dérober des informations personnelles sur l’utilisateur de l’appareil.

Par ailleurs, l’administration chinoise a récemment annoncé son intention d’empêcher tout média « sans investissement du secteur public » de collecter ou de diffuser des informations, éliminant potentiellement du coup les médias privés restants.

Cette contrainte est de nature à « réduire au silence » les dernières voix médiatiques indépendantes du pays, relève dans un communiqué le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, qui appelle les dirigeants des États démocratiques de la planète à faire pression sur Pékin pour « dissuader le régime de poursuivre ses politiques répressives » et empêcher l’exportation de son « anti-modèle » médiatique.

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Nombre de sites internet parmi les 1000 plus visités sur la planète qui sont inaccessibles en Chine

Source : GreatFire