L’introduction il y a un an à Hong Kong d’une loi controversée sur la sécurité nationale a « décimé » les libertés traditionnellement accordées aux résidants de l’ex-colonie, qui est en voie de se transformer rapidement en État policier, prévient Amnistie internationale.

« De la politique à la culture en passant par l’éducation et les médias, la loi a infecté tous les segments de la société hongkongaise et introduit un climat de peur qui oblige les gens à réfléchir à deux fois avant de parler, de tweeter ou de décider comment ils entendent vivre », relève Yamini Mishra, qui dirige la section Asie-Pacifique de l’organisation des droits de la personne.

Pékin avait décrit la nouvelle loi, formalisée le 30 juin 2020, comme une nécessité pour rétablir l’ordre à Hong Kong après des mois de manifestations d’envergure, déclenchées à l’origine par une réforme devant faciliter l’extradition de présumés criminels vers la Chine continentale.

À plusieurs reprises, des centaines de milliers de personnes avaient défilé dans les rues. De nombreux affrontements étaient survenus avec la police locale, accusée de faire usage d’une force excessive.

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Un journaliste tombe au sol après avoir été aspergé de gaz poivré par la police lors d’une manifestation à Hong Kong, le 1er juillet 2020.

Selon Amnistie, la question de la sécurité nationale a été abusivement utilisée depuis un an pour justifier la censure et la persécution des opposants au régime, qui peinent à savoir où se trouve la limite à ne pas franchir en matière de critiques en raison des définitions floues retenues par les législateurs chinois.

Bien que la nouvelle loi doive servir officiellement à lutter contre la sécession, la subversion, le terrorisme et la collusion avec l’étranger, elle a été évoquée à plusieurs reprises pour punir des personnes « ayant simplement exercé » leur droit à la liberté d’expression ou d’association, relève l’organisation.

Sur une période d’un an, 118 personnes, dont 3 mineurs, ont été arrêtées à la suite de violations alléguées des nouvelles restrictions. Plus de 60 d’entre elles ont été accusées formellement, s’exposant à de lourdes peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à vie pour les cas les plus graves.

La presse visée

L’approche répressive du régime a été mise en relief notamment par les démêlés du milliardaire Jimmy Lai et du quotidien prodémocratie qu’il chapeautait, Apple Daily.

Des centaines de policiers sont intervenus la semaine dernière lors d’une perquisition ciblant le quotidien, qui a dû se résigner à interrompre ses activités après la saisie d’actifs.

M. Lai est notamment accusé d’avoir réclamé l’application de sanctions contre la Chine en guise de représailles aux pressions exercées sur la population de Hong Kong. Il est détenu à domicile en attendant la suite du processus.

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Jimmy Lai, fondateur du quotidien Apple Daily, s’apprêtant à comparaître à la cour de Hong Kong, en décembre 2020

Une cinquantaine de militants prodémocratie qui avaient participé à des primaires pour choisir les meilleurs candidats pour une élection du conseil exécutif prévue en septembre 2020 ont aussi été arrêtés et accusés de subversion. Bon nombre demeurent incarcérés, faute d’avoir pu prouver aux tribunaux qu’ils n’étaient pas susceptibles de commettre d’autres infractions en attendant leur procès.

« Détruire le caractère démocratique »

Human Rights Watch se montre aussi critique envers le régime, relevant que les dirigeants du Parti communiste chinois, qui célèbre cette semaine un siècle d’existence, cherchent « par une série de mesures appliquées en cascade à détruire le caractère démocratique » de la société hongkongaise.

Les résidants de l’ex-colonie « avaient l’habitude de parler de politique, de se présenter aux élections et de critiquer le gouvernement, mais ce n’est tout simplement plus possible, ça peut valoir une vie d’emprisonnement », relève Maya Wang, une spécialiste de la Chine au sein de l’organisation.

Pékin rejette avec véhémence les critiques exprimées par les défenseurs des droits de la personne et les pays occidentaux inquiets de l’évolution de la situation à Hong Kong, parlant d’une tentative inacceptable d’ingérence dans les affaires intérieures du pays.

Dans un récent éditorial, le Global Times, porte-voix du régime chinois, s’en prend tout particulièrement aux États-Unis en dénonçant l’hypocrisie supposée de l’administration du président Joe Biden.

« Tout ce que Washington veut est que Hong Kong demeure turbulent », assure le quotidien.