Des touristes et habitants de l’État de Victoria, en Australie, qui ont ignoré l’avis d’évacuation visant 30 000 personnes, dimanche, se sont retrouvés pris au piège, mardi. Encerclées par les flammes, des milliers de personnes se sont réfugiées sur une plage ou ont sauté à l’eau pour sauver leur peau. Pour une Québécoise et sa famille, la décision de fuir la région menacée par les feux de brousse d’une intensité sans précédent a été la meilleure de leur vie. Récit et bilan.

Dimanche soir, Sophie Carbonneau et sa famille, qui séjournaient dans une cabane en forêt de Lakes Entrance, dans l’État de Victoria, ont senti le danger.

« On a paqueté rapidement dimanche soir et on est partis. Le lendemain, les cabines où on logeait avaient brûlé. »

Sophie Carbonneau raconte presque d’un seul souffle l’épopée que son mari, leurs enfants et elle ont vécue, dimanche soir. Installée dans une cabane en bois rond où elle fête traditionnellement Noël depuis sept ans, la famille se croyait loin du danger. Il y avait bien une odeur de fumée dans l’air, mais les forêts australiennes sont grugées chaque été par les incendies. D’autant plus qu’en quittant leur maison de Melbourne, le 23 décembre, Lakes Entrance n’était pas du tout dans la trajectoire des brasiers en vigueur.

« Il n’y a jamais eu de feux de forêt si près, raconte l’expatriée, qui habite en Australie depuis 14 ans. Plus les jours passaient, plus les gens en parlaient. »

Il y a un système de messages automatisés avec détection GPS, et on s’est mis à recevoir des SMS plusieurs fois par jour disant que le danger augmentait.

Sophie Carbonneau, résidante de Melbourne

PHOTO COURTOISIE

La Québécoise Sophie Charbonneau, son mari Kristian Kostov et leurs enfants Florian, 12 ans, et Aurélie, 9 ans, à Lakes Entrance.

De « Soyez aux aguets », les messages textes sont passés à « Évacuez immédiatement », dimanche. La famille se trouvait dans la zone critique : la région touristique d’East Gippsland, dans l’État de Victoria (sud-est du pays), que plus de 30 000 personnes ont été invitées à évacuer, dimanche.

« Des vents violents étaient annoncés en milieu de nuit et comme les feux ne sont pas contrôlés, ils ne savaient pas dans quelle direction ils iraient. Ils peuvent être obligés de fermer des routes et tu ne veux pas rester isolé non plus », raconte la femme originaire de Chambly, jointe par La Presse, mardi matin (heure locale), en Australie.

« On n’a jamais vécu ça ; on ne savait pas à quel point c’était sérieux. On a décidé de partir. On sentait le danger imminent. Le ciel commençait à être orangé. Ce n’était pas idéal parce qu’on avait quatre heures de route à faire pour retourner [chez nous] à Melbourne et il était tard, mais on sentait qu’il fallait partir maintenant », témoigne la mère de famille, soulagée d’avoir suivi son instinct.

Le lendemain matin, les incendies avaient gagné Lakes Entrance, et la dizaine de cabanes en bois rond étaient parties en fumée.

4000 réfugiés sur la plage de Mallacoota

D’autres n’ont pas pris les mêmes décisions et se sont retrouvés pris au piège. Une vague de chaleur qui balayait lundi l’immense île-continent a continué d’alimenter les incendies particulièrement ravageurs cette année. Mardi, les résidants de Mallacoota se sont réveillés avec une vision de l’enfer, le ciel étant complètement teinté par les flammes orangées. Différents journalistes locaux rapportaient en début de journée qu’environ 4000 résidants et touristes étaient cernés et s’étaient réfugiés sur une plage de ce village côtier du Gippsland. Les pompiers auraient distribué des gilets de sauvetage, advenant le cas où ils soient forcés de sauter à l’eau pour échapper aux flammes.

CAPTURE D’ÉCRAN DE TWITTER

Cette photo, publiée par le journaliste australien Sean Power, sur Twitter, a été prise en plein jour, mardi, sur le lac Mallacoota.

Cette photo, publiée par le journaliste australien Sean Power, sur Twitter, a été prise en plein jour, mardi, sur le lac Mallacoota. « Une mère a pris cette photo. Elle est dans un bateau avec ses deux garçons d’âge scolaire. Ils sont sur le lac Mallacoota et tentent de rester sains et saufs. »

Plus d’une dizaine d’incendies font toujours rage dans les zones rurales de la région touristique d’East Gippsland. Certains de ces incendies sont d’une telle intensité que des centaines de pompiers ont été éloignés du front, qui s’étire sur un millier de kilomètres.

Le responsable de la lutte contre les incendies du Gippsland, Ben Rankin, a justifié qu’il était « dangereux » pour eux de rester dans ces zones forestières, qualifiant la situation de « très intense ».

Un pompier volontaire est décédé et deux autres ont été brûlés en intervenant en Nouvelle-Galles du Sud.

« Pas de répit »

En Australie, personne ne se sent à l’abri. Expatrié à Melbourne, le Québécois Marc-André Savard avoue que « l’impression d’être dans une bulle protégée », loin des incendies qui ravagent l’est de l’île, pourrait éclater en un rien de temps.

« Ce sont des feux sans précédent. Ça fait quatre ans que j’habite en Australie. Des feux de forêt, il y en a tous les étés, mais cette année, ça a commencé plus tôt et c’est vraiment féroce. Il y a plus de gens affectés. »

Il n’y a pas de répit, pas de pluie, les conditions sont favorables. Ce sont les pires feux de forêt dont les gens peuvent se rappeler.

Marc-André Savard, résidant de Melbourne

Un incendie dans un parc de Bundoora, une banlieue de Melbourne, a suscité plus de peur que de mal, mardi matin. M. Savard et d’autres Québécois à Melbourne joints par La Presse ont affirmé que l’évacuation des banlieues de la ville annoncée dans les médias n’avait rien de comparable à ce qui se déroule dans l’est du pays.

« C’était un feu dans un parc urbain, comme s’il y avait un feu dans le parc Angrignon », a comparé Marc-André Savard, expatrié en Australie. « À part les résidences qui ont été menacées, ça n’a rien à voir avec l’ampleur de ce qu’on voit en Nouvelle-Galles du Sud, à l’ouest de Sydney et à Gippsland. Il n’y a même pas de fumée à Melbourne, le ciel est relativement clair. »

Les conditions météorologiques devraient encore se détériorer au cours des deux prochains jours en Nouvelle-Galles du Sud, l’État le plus touché avec une centaine d’incendies toujours actifs, dont plus de 40 non maîtrisés. Les autorités ont prévenu que ces incendies pourraient entraîner la fermeture de la dernière route principale encore ouverte dans cette région. Depuis septembre, les incendies ont fait 10 morts, détruit plus d’un millier de maisons et plus de trois millions d’hectares de forêts.

— Avec l’Agence France-Presse