(Mérida) Tous les matins à 5 h à la radio c’est Bingo pour les habitants de l’État vénézuélien de Merida. Le 5, puis le 6 sortent : ce jour-là, seules les voitures dont l’immatriculation se termine par un de ces deux chiffres a le droit de faire le plein dans la station-service associée.

Le Venezuela, pourtant producteur de pétrole, fait à nouveau face - surtout en province - à une pénurie d’essence en raison de problèmes de raffinage et de distribution.

Pour éviter les interminables queues et tensions qu’elles engendrent, le gouverneur de Merida Jehyson Guzman (pro-pouvoir) a mis en place cette loterie, les stations-services s’étant vues assigner chacune deux numéros.

Le Venezuela souffre de pénuries de carburant depuis plus de 10 ans, même si paradoxalement l’essence, dont le prix est subventionné, est peu chère. Elle était même presque gratuite par le passé.  En 2019, un œuf dans un supermarché coûtait l’équivalent de 90 millions de litres de carburant.

Les tarifs ont été dollarisés en 2020, fixés à 50 centimes par litre, mais des stations de carburant subventionné subsistent.  

Ce bas prix favorise le marché noir. La contrebande vers le Brésil et la Colombie voisins aggrave la situation de pénurie.

Dans ce contexte, Mario Vargas, un ingénieur de 69 ans, voit ce surprenant loto d’un bon œil : « Une fois, j’ai passé six jours et cinq nuits dans une queue à attendre et quand je suis arrivé à la station, ils ne m’ont donné que 30 litres », raconte-t-il.  

En 2020, au plus fort de la pandémie de COVID-19, un autre État, Portuguesa, avait également mis en place un Bingo pour allouer des quotas aux stations-service.

À près de 1200 km de Mérida, à l’autre bout du pays, dans l’État de Bolivar, Ana Graterol, 42 ans, se lamente, « plongée dans le chaos » des files d’attente devant une station-service de Puerto Ordaz.

« La situation s’est aggravée », dit-elle coincée dans une longue enfilade de voitures s’étirant devant une station à l’essence subventionnée.  Elle passera la nuit à attendre.

Il n’est pas rare dans le pays, de voir des queues de voitures de plusieurs kilomètres attendant l’ouverture d’une station-service.

Selon les syndicalistes du secteur pétrolier, les principales raffineries du pays, Amuay et Cardon, ont été fermées ces derniers jours en raison de problèmes techniques. L’entreprise publique PDVSA, en revanche, n’a signalé aucun problème.

« Beaucoup de gens ne supportent pas (d’attendre) et partent », explique Elibia Mendoza. Pour ce transporteur, il n’y a pourtant pas d’autre alternative dans un pays en crise avec une forte inflation : « on n’a pas tous l’argent pour faire le plein » avec de l’essence non-subventionnée.