Des centaines de prisonniers, dont des dizaines de combattants islamistes, ont pris la clé des champs à la fin du mois du juillet lors d'une série d'évasions spectaculaires au Pakistan, en Libye et en Irak. Ces événements ont suffisamment inquiété l'agence Interpol pour qu'elle émette une alerte mondiale il y a quelques jours.

Dans la nuit du lundi 29 juillet, des combattants déguisés en policiers attaquent à la roquette la prison de Dera Ismaïl Khan, située dans le nord-ouest du Pakistan. Près de 250 détenus sont libérés au cours de l'opération. Parmi eux, plusieurs combattants islamistes. Interpol soupçonne Al-Qaïda d'être à l'origine de cette attaque.

Deux jours plus tôt, près d'un millier de prisonniers se sont évadés d'une prison en Libye. Le même scénario s'est produit le 21 juillet à la prison d'Abou Ghraib en Irak où une centaine de détenus ont été libérés par un commando armé.

Ces évènements avaient tous été planifiés, estime Mathieu Guidère, spécialiste du terrorisme et auteur de plusieurs livres sur Al-Qaïda. «Ayman al-Zawahiri, le numéro un d'Al-Qaïda, a appelé les différentes branches de son organisation à concentrer leurs attaques sur les prisons pendant le mois du ramadan. C'était une action concertée.»

Charles-Philippe David, titulaire de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, n'est pas aussi catégorique. L'expert québécois ne croit pas qu'il y ait eu nécessairement une action concertée. «Ce n'est pas d'hier que de telles évasions se produisent. Ça arrive régulièrement depuis quelques années. Bref, je n'en suis pas certain, mais je ne crois pas que dans les trois cas mentionnés, il y ait eu un plan d'action global.»

De l'aide de l'intérieur

Pour sa part, l'expert en sécurité nationale au réseau CNN, Peter Bergen, écrivait récemment qu'il ne croyait pas qu'Al-Qaïda coordonnait ces attaques, mais plutôt que différents groupes terroristes en inspiraient d'autres à en faire tout autant après avoir organisé une évasion réussie.

Mais Charles-Philippe David et Mathieu Guidère s'entendent sur le fait que ces évasions n'auraient pu se réaliser sans une aide à l'intérieur même de la prison. «Al-Qaïda a eu de l'aide, affirme M. Guidère, aussi professeur à l'Université de Toulouse. Ils ont eu des complicités à l'intérieur et celles-ci ont été possibles parce que les gens ne font plus confiance au pouvoir en place. Al-Qaïda peut donc les retourner plus facilement.»

Selon Mathieu Guidère, plusieurs prisonniers maintenant libres rêvent de prendre leur revanche. «On a eu de nouveau sur le marché des djihadistes déterminés qui n'ont rien à perdre et qui sont prêts à faire des attentats-suicides.» Plusieurs se seraient d'ailleurs empressés de rappeler que l'ancien chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden n'a pas été vengé. «Tout le monde craint qu'ils ne veuillent célébrer le 11-Septembre en quelque sorte, ajoute l'expert français. N'oublions pas que c'est dans un mois.»

Gare au Yémen

Charles-Philippe David, lui, s'inquiète plutôt du Yémen. «Pour moi, c'est là que se trouve le plus grand défi dans les semaines à venir. S'il fallait qu'il se produise un gros attentat, et j'espère que je n'ai pas raison, je suis prêt à parier ma chemise qu'il se produira au Yémen.»