Plusieurs pays qui ont participé l'année dernière à l'intervention de l'OTAN en Libye, dont le Canada, sont sommés de clarifier les circonstances à l'origine de la dérive tragique, en mer Méditerranée, d'un zodiac bondé de migrants.

Une coalition d'organisations non gouvernementales vient de demander à plusieurs États où se trouvaient alors leurs navires pour savoir s'ils étaient en position d'intervenir et déterminer leur responsabilité éventuelle dans le drame. Pas moins de 63 personnes sont mortes sur le bateau.

Une lettre a notamment été transmise au ministre canadien de la Défense, Peter MacKay, afin de savoir si la frégate NCSM Charlottetown, qui était déployée dans la région, a pu ignorer les appels de détresse lancés relativement au zodiac.

En France, la coalition a poussé la démarche un cran plus loin en déposant une plainte contre l'armée française pour «non-assistance à personne en danger» en lien avec cette affaire, qui fait l'objet d'une enquête du Conseil de l'Europe.

«Comment se fait-il qu'aucun navire d'aucune armée n'a réagi pour leur venir en aide? C'est impossible que le zodiac soit passé inaperçu dans une zone qui était à ce moment-là la plus surveillée du monde», souligne l'avocat chargé du dossier, Stéphane Maugendre.

Charles Heller, un chercheur qui a reconstitué en détail avec d'autres experts les événements ayant ponctué le périple des migrants, relève qu'une quarantaine de navires militaires de nationalités diverses opéraient alors sous commandement de l'OTAN en mer Méditerranée.

Selon le rapport d'experts, 72 migrants sont partis de Libye à bord du zodiac, dans la nuit du 26 au 27 mars, en direction de l'Italie. Ils ont été survolés en après-midi par un avion militaire français. Quelques heures plus tard, ils ont appelé un prêtre italien avec un téléphone satellite pour souligner qu'ils étaient en difficulté. L'information a été relayée aux autorités côtières italiennes qui ont avisé l'OTAN et diffusé un message à l'attention des bateaux circulant dans la zone.

Au dire des survivants, un hélicoptère a survolé deux fois le zodiac ce soir-là. Il a laissé quelques vivres avant de disparaître.

Le lendemain matin, les autorités ont commencé à diffuser un message de détresse avec les dernières coordonnées connues de l'embarcation, partie à la dérive faute d'essence. Des pêcheurs ainsi qu'un vaisseau militaire d'origine inconnue croisé après plusieurs jours de dérive auraient refusé de leur venir en aide. Seules 11 personnes étaient toujours en vie lorsque le bateau s'est finalement échoué sur la côte libyenne. Deux sont mortes plus tard.

Le rapport d'experts relève que le NCSM Charlottetown faisait de la surveillance maritime à l'époque du drame puisqu'il a porté assistance, quelques jours plus tôt, à un autre bateau de migrants parti de la Libye. La position de la frégate dans les jours suivants n'est cependant pas connue.

M. Heller relève par ailleurs qu'il est peu probable que l'hélicoptère ayant survolé le zodiac soit d'origine canadienne puisque le type d'appareil utilisé par la marine ne correspond pas à la description faite par les survivants.

Le cabinet du ministère canadien de la Défense a indiqué hier à La Presse que l'OTAN était en mesure de répondre aux questions à ce sujet. L'organisation a déjà déclaré qu'aucun des vaisseaux ou des avions sous son commandement n'avait vu ou établi un contact avec le zodiac durant la période considérée.