À la suite de la répression sanglante des manifestations, suivie d'arrestations massives, le mouvement de contestation populaire s'est fait discret en Iran au cours des deux dernières semaines. Mais hier, les slogans et les bandeaux verts ont fait leur retour dans les rues de la capitale iranienne alors que des milliers d'Iraniens ont bravé les avertissements des autorités.

C'est aux alentours de l'Université de Téhéran que sont apparus les manifestants, massés en divers petits groupes. Le choix du lieu n'était pas anodin. Pour le mouvement étudiant iranien, le 9 juillet est une date marquée d'une croix rouge.

 

Ce jour-là, il y a 10 ans, des milices pro-islamiques avaient ravagé des résidences étudiantes de l'Université de Téhéran pour mettre fin à un mouvement de contestation qui prenait vite de l'ampleur parmi la jeunesse iranienne. Au moins un jeune homme avait été tué.

Hier, la commémoration de ces événements s'est mêlée à la colère qu'ont suscitée les élections présidentielles du 12 juin et la vague de répression qui a suivi, faisant au moins 20 morts. «À bas le dictateur», criaient hier les manifestants.

Les vidéos des manifestations montrent que plusieurs d'entre eux portaient du vert, couleur associée à Mir Hossein Moussavi, le candidat défait qui conteste la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad.

Selon les rapports des agences de presse, les forces de l'ordre, qui étaient sur en état d'alerte partout dans la capitale, sont vite intervenues pour disperser les manifestants à l'aide de gaz lacrymogène et de matraques. Aux dires de témoins, plusieurs manifestants ont été arrêtés.

La thèse du complot étranger

Depuis plusieurs jours, le régime islamique laissait entendre qu'aucune manifestation ne serait tolérée. Le gouverneur de Téhéran, Morteza Tamadon, a émis un avertissement sans équivoque. «Si des individus font des gestes contraires à la sécurité sous l'influence de réseaux contre-révolutionnaires, ils seront piétinés par les pieds de nos gens alertes», a-t-il dit.

M. Tamadon faisait ainsi écho au leader suprême de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a accusé lundi des «ennemis» étrangers de tenter de «semer la discorde parmi le peuple» iranien en soutenant le mouvement de contestation.

«En ce moment, les responsables du régime islamique font tout pour prouver la théorie selon laquelle le mouvement de protestation est manipulé de l'extérieur. Mais ils ont bien peu de preuves, alors ils restent très vagues dans leurs énoncés», a dit hier à La Presse Tom Porteous, directeur de Human Rights Watch (HRW) à Londres.

Dans un document publié mercredi, HRW rapporte que plusieurs individus arrêtés au cours des dernières semaines, puis relâchés, disent avoir été battus par les gardiens qui voulaient leur extirper de fausses confessions.

Les aveux de plusieurs intellectuels, réputés proches du mouvement réformiste auquel appartient Mir Hossein Moussavi, ont été diffusés à la télévision. C'est notamment le cas de Amir Hossein Mahdavi, le rédacteur en chef du journal Andishe No qui, le 27 juin, a admis que les réformistes avaient planifié un soulèvement populaire avant l'élection du 12 juin.

Militant des droits de l'homme basé à Montréal, Hossein Mahoutiha croit que ce genre d'aveux publics peut être le prélude d'une répression beaucoup plus grande. «On a déjà vu la même situation dans les années 80. Il y a eu des arrestations massives, puis des confessions publiques, puis ensuite, des exécutions par centaines», a noté hier le représentant du Réseau d'activistes iraniens pour la défense des droits de l'homme en Europe et Amérique du Nord.

À Human Rights Watch, on croit qu'il est trop tôt pour envisager un tel scénario. «On ignore pour le moment comment le régime agira. À la suite du mouvement étudiant de 1999, il y a eu des confessions télévisées, mais pas de vagues exécutions sommaires», a tenu à rappeler Tom Porteous.