Même si l'inefficacité des programmes financés par le Fonds vert a maintes fois été dénoncée, Québec continue d'y pelleter des centaines de millions de dollars avec des effets négligeables sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), révèle un nouveau rapport déposé hier.

Un document déposé à l'Assemblée nationale révèle que les programmes du Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques (PACC) qui sont financés par le Fonds vert avaient reçu plus de 1,7 milliard entre leur création et le 31 mars 2018.

Cet investissement colossal a généré sur la même période une réduction de 1,8 million de tonnes de GES. C'est à peine une fraction des émissions totales du Québec, qui étaient de 78,6 millions de tonnes dans la seule année 2016.

Cet impact est « marginal », voire « insignifiant », a estimé Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal.

« Je ne suis pas surpris du tout, ça vient juste renforcer les constats qu'on a faits par le passé », a-t-il affirmé. 

« Il faut vraiment revoir en profondeur la manière dont on envisage de dépenser l'argent pour la lutte contre les changements climatiques, parce que ça ne donne rien ou, en tout cas, très, très peu. » -  Pierre-Olivier Pineau

Le Fonds vert a récolté des revenus de 932 millions en 2017-2018, surtout des recettes du marché du carbone. L'enveloppe finance 183 programmes dirigés par différents ministères, lesquels sont répartis en 22 « actions ». En gros, elles visent à réduire les émissions de GES et à soutenir des stratégies d'adaptation aux changements climatiques.

Parmi les mesures soutenues, on compte la subvention à l'achat de voitures électriques, le soutien à la rénovation écoénergétique ou encore l'appui à des entreprises vertes. Un exemple bien connu : la société mère de Téo Taxi, Taxelco, a déjà reçu une aide de 5 millions puisée dans le Fonds vert.

Dans la seule année 2017-2018, le Fonds a versé 570 millions pour soutenir ces programmes.

Aux yeux de M. Pineau, un grand ménage s'impose.

« C'est une approche désorganisée qui n'a pas de direction, qui n'a pas de suivi, qui n'a pas d'indicateurs », a-t-il dénoncé.

Un rapport parmi d'autres

Le document rendu public hier est le dernier d'une litanie de rapports qui confirment l'inefficacité des programmes financés par le Fonds vert.

Dans un rapport dévastateur l'automne dernier, le Conseil de gestion du Fonds vert a recommandé d'arrêter « dès maintenant » 32 des 183 programmes financés par l'enveloppe, et de n'en maintenir que 55.

Le premier ministre François Legault a promis de donner suite au rapport, affirmant en décembre que le Fonds est « géré n'importe comment ».

Le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, présentera sa réforme dans les prochains mois. Il visera à ce que le Fonds finance seulement les programmes les plus efficaces pour lutter contre les changements climatiques.

Au cabinet du ministre, on a indiqué que le rapport déposé hier prouve le bien-fondé des orientations du gouvernement caquiste.

Le Fonds vert est financé en grande partie par les automobilistes. Les distributeurs de carburant doivent acheter des droits d'émission sur le marché du carbone, une facture qui est refilée aux consommateurs à hauteur d'environ 4 cents le litre d'essence.

Les grands pollueurs industriels, comme les alumineries ou les cimenteries, doivent aussi participer au marché du carbone, mais elles reçoivent la majorité de leurs droits d'émission gratuitement pour éviter de nuire à leur compétitivité.