Fourchettes, cuillers, bâtonnets à café et autres objets à usage unique en plastique seront interdits dans trois ans dans l'Union européenne, où un accord sur la question a été conclu hier. Une mesure qui devrait « montrer l'exemple » pour le Québec et le Canada, qui ne font « pas grand-chose » pour l'instant, regrettent différents observateurs.

L'Union européenne s'attaque à la pollution par le plastique. Dès 2021, une panoplie d'articles à usage unique faits de plastique y seront interdits : ustensiles, assiettes, tiges pour ballons, cotons-tiges et contenants alimentaires en polystyrène expansé, de même que les produits faits en plastique oxodégradable, c'est-à-dire qui se fragmentent en microparticules.

Les produits visés représentent 70 % de l'ensemble des déchets qui se retrouvent dans les océans, soulignent le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne, les deux organes législatifs de l'Union européenne, qui se sont entendus sur un texte final hier matin, après une nuit de négociations.

L'accord prévoit également de renforcer le principe de pollueur-payeur en introduisant dans la législation le concept de « responsabilité élargie du producteur » et fixe les objectifs de récupérer 90 % des bouteilles en plastique d'ici 2029 et d'intégrer 25 % de contenu recyclé dans ces contenants d'ici 2025.

Ces mesures permettront de « réduire la facture des dégâts environnementaux de 22 milliards d'euros [34 milliards de dollars], soit le coût estimé de la pollution aux plastiques en Europe jusqu'en 2030 », a déclaré dans un communiqué la députée européenne responsable du dossier, Frédérique Ries.

Le texte doit être soumis en janvier aux votes du Parlement et du Conseil, qui devraient tous deux l'approuver, puisqu'il s'agit d'« une mesure sur laquelle il y avait un consensus assez fort », a déclaré à La Presse une source parlementaire européenne, qui n'est pas autorisée à s'exprimer publiquement.

Le Canada appelé à suivre l'exemple

Qualifiant les mesures européennes de « concrètes » et « porteuses d'espoir », Greenpeace Canada estime que « l'Europe montre l'exemple ».

« C'est ce que ça prend pour faire face à la pollution plastique qui étouffe nos océans, mais c'est justement ce leadership qui manque chez nous au Canada », a déclaré à La Presse la porte-parole de la campagne Océans et Plastiques de l'organisation, Loujain Kurdi.

« Concrètement, il n'y a pas grand-chose qui se passe » au Canada, constate lui aussi le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard.

« Tout le monde le sait que le plastique est un fléau et certains pays prennent des mesures énergiques [pour y faire face] », a-t-il déclaré à La Presse, appelant le gouvernement fédéral à « prendre exemple » de l'Union européenne.

Les deux observateurs exhortent Ottawa à se doter d'un plan d'action national pour éliminer les plastiques à usage unique.

« La production de plastique devrait quadrupler d'ici 2050 [dans le monde], cela montre clairement que nous ne résoudrons pas cette crise par des efforts centrés sur les variantes du recyclage ou des accords volontaires. » - Loujain Kurdi, Greenpeace Canada

Le ministère de l'Environnement et du Changement climatique a mené d'avril à septembre dernier une consultation intitulée « Direction : zéro déchet de plastique au Canada » dans le but d'élaborer une stratégie nationale.

« Les discussions à ce sujet se poursuivront jusqu'en 2019 afin de déterminer des mesures précises pour réduire les déchets de plastique et la pollution qu'ils créent », a indiqué dans un courriel à La Presse la porte-parole de la ministre, Sabrina Kim.

Ottawa a par ailleurs annoncé en septembre l'élimination des « plastiques à usage unique non nécessaires » dans les activités du gouvernement et le recyclage de 75 % de ses déchets plastiques d'ici 2030.

Un rôle pour Québec

Le Québec non plus n'est pas très proactif en matière de prévention de la pollution par le plastique, remarque Karel Ménard, qui y voit une occasion à saisir pour la nouvelle ministre de l'Environnement, MarieChantal Chassé.

« Mme Chassé pourrait mandater le BAPE [Bureau d'audiences publiques sur l'environnement] pour tenir une audience générique sur la problématique. » - Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

L'écologiste appelle à « interdire de façon intelligente », pour permettre « une transition ». Mais pour cela, « il faut avoir un plan », dit-il.

La tâche ne représente d'ailleurs « pas un gros chantier », estime Karel Ménard, qui affirme qu'« on prend plus de risques à ne rien faire ».

« Le peu d'avance qu'on avait en environnement grâce à l'hydroélectricité, on est en train de le perdre, affirme Karel Ménard. Il faut arrêter de croire qu'on est de bons élèves en environnement, il faut le démontrer, pas juste s'asseoir sur nos lauriers. »