La ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, n'a pas l'intention de lâcher prise face aux criminels qui ont effectué des déversements sauvages et massifs de sols contaminés dans la nature, et ce, malgré l'intimidation dont a été victime son personnel.

Le quotidien La Presse révèle mercredi que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a abandonné l'idée de poursuivre les auteurs des déversements faute d'une preuve pouvant résister en Cour, malgré deux années et demie d'enquête de policiers et du ministère de l'Environnement.

«Ça m'écoeure de voir des situations comme celle-là», a candidement avoué la ministre Melançon en marge du dévoilement de la Stratégie québécoise de l'eau, mercredi, à Laval.

Mme Melançon a dit avoir été choquée d'apprendre que le dossier ne pouvait procéder en cour criminelle, mais elle a du même souffle promis d'aller «encore plus rapidement» par le biais d'une poursuite civile.

«J'ai des enquêteurs de mon ministère qui peuvent aller déposer [une poursuite civile] et c'est ce qu'on va faire», a-t-elle assuré, précisant qu'elle avait attendu les résultats des enquêtes policières avant d'aller de l'avant au civil.

Sa déception était toutefois palpable en mêlée de presse: «J'espérais qu'on puisse vraiment aller plus loin pour pouvoir attraper ces gens, qui sont des malfrats, qui sont des criminels; c'est terrible ce qu'ils ont fait à des propriétaires, à l'environnement».

Traçabilité et intimidation

Isabelle Melançon estime que cette affaire lui donne raison dans sa volonté d'aller de l'avant avec une politique de traçabilité des sols contaminés, pour laquelle deux projets-pilotes sont en cours sur l'île de Montréal.

«Il faut aussi se doter de nouvelles façons de faire pour contrer ces gens, qui sont des criminels, a-t-elle répété. Je veux aller encore plus rondement pour la traçabilité des sols.»

La ministre a cependant révélé que cette volonté s'est heurtée à une résistance dans le milieu, alors que son personnel a été victime d'intimidation.

«Ça doit déranger parce qu'il y a des gens qui travaillent actuellement sur ce dossier qui m'ont dit: j'ai reçu des téléphones pas très agréables qui me disent qu'on devrait se mêler de nos affaires», a-t-elle relaté.

«On fait affaire vraiment avec des criminels, mais moi je ne baisserai pas les bras. Je suis vraiment déterminée à aller encore plus loin», a martelé Mme Melançon, qui a ajouté que les policiers avaient été saisis de la nature de l'appel en question.

«J'ai bien intention de casser le système», a-t-elle ajouté.

Compensations?

La ministre a par ailleurs ouvert la porte à une forme de soutien aux citoyens touchés par ces déversements, qui ont été faits sur des terres agricoles, en bordure de cours d'eau et même pour remblayer des terrains de propriétés privées.

Dès mercredi matin, elle était en contact avec la mairesse de Sainte-Sophie dans les Laurentides, Louise Gallant, dont la municipalité a été la cible de ces pratiques.

Selon le travail d'enquête de La Presse, les policiers avaient pourtant retracé plus de 80 sites de déversement, principalement en milieu agricole, où des sols contaminés au plomb, à l'arsenic et à l'essence, notamment, ont été massivement déversés.

Les responsables obtenaient des contrats pour prendre charge de sols contaminés et, plutôt que de les emmener pour être traités à fort prix dans des sites spécialisés, s'en débarrassaient dans la nature.

Les responsables du stratagème seraient reliés aux Hells Angels, selon La Presse.