Le scientifique David Suzuki, pilier du mouvement écologiste canadien, a lancé mercredi une campagne pour inscrire dans la Constitution le droit à un environnement sain, appelant tout un chacun à devenir un «écoguerrier» pour sauver le climat.

Ce généticien et animateur de télévision estime qu'en protégeant ce droit dans les textes constitutionnels, tels que la «Charte des droits et libertés» au Canada, chaque pays serait à l'abri des soubresauts liés aux alternances politiques.

«Avec toutes les longues batailles que j'ai menées, il est clair qu'il faut changer de manière de percevoir le monde», a déclaré à l'AFP David Suzuki qui a fêté en mars son 80e anniversaire.

«On pensait en avoir fini avec plusieurs combats, il y a 30-35 ans: contre la construction de barrages, contre les forages pétroliers dans des endroits inappropriés, contre la navigation de superpétroliers le long des côtes de Colombie-Britannique. Mais maintenant, on doit mener à nouveau ces mêmes batailles. On ne peut pas continuer comme ça!», a-t-il ajouté.

Ce besoin de protéger constitutionnellement le droit à «un environnement sain, à un air pur» a été illustré la semaine dernière par «le changement monumental, le séisme, aux États-Unis avec l'élection de Donald Trump qui pourrait entraîner le renversement de décennies de législation», juge M. Suzuki, dont la fondation éponyme est une des plus importantes au Canada.

Il a d'ailleurs exhorté les Américains actuellement tentés de se réfugier au Canada, pour échapper à la présidence Trump, de ne pas le faire, mais plutôt de «se bouger encore plus pour leur démocratie (et) éviter de se retrouver dans le trou à rats dans lequel M. Trump souhaite les pousser».

La protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique requièrent donc «quelque chose qui va plus en profondeur que les fluctuations politiques, il faut que ce soit inscrit dans la Constitution», a-t-il insisté.

Record de chaleur

Les débats constitutionnels sont un sujet tabou au Canada où le texte fondamental a été rapatrié en 1982 du Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, pour être ratifié par toutes les provinces, à l'exception du Québec, alors dirigé par les indépendantistes. Depuis, la Constitution n'a jamais été amendée, tant le sujet est brûlant.

À propos du premier ministre canadien Justin Trudeau, au pouvoir depuis un an, M. Suzuki a salué sa volonté affichée à Paris, lors de la COP21, de limiter le réchauffement de la planète à 2°C, voire à 1,5°C, tout en s'interrogeant sur les moyens mis en oeuvre par son gouvernement libéral.

De nouveaux oléoducs devraient être mis en chantier prochainement au Canada, après l'aval du gouvernement, mais «si on est sérieux sur l'accord de Paris, il faut en finir très, très rapidement avec les énergies fossiles. Et si vous construisez un oléoduc, il faut l'utiliser pendant 30 à 35 ans pour amortir son coût, alors qu'on devra être sorti des hydrocarbures bien avant cela», a remarqué David Suzuki.

L'objectif de 2°C, voire de 1,5°C, est inscrit dans l'accord de Paris, mais au rythme actuel des émissions il sera atteint dès 2030. Et largement dépassé ensuite, selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Lundi, cet organisme avait d'ailleurs averti que 2016 devrait battre un nouveau record de chaleur avec une température planétaire moyenne supérieure d'environ 1,2°C au niveau de l'ère préindustrielle.

Les jeunes générations et leurs enfants «n'ont pas le choix, votre futur est en jeu, vous allez devoir vous battre comme des fous», a lancé David Suzuki.

«Vous devez être des écoguerriers au nom de vos enfants dont l'avenir est complètement en jeu en ce moment», a-t-il conclu.