Chaque année, 700 millions de bouteilles d'eau, qui ne servent qu'une fois, se retrouvent dans les lieux d'enfouissement au Québec. Les chiffres de ventes ont triplé depuis 2002, même si l'eau qu'elles contiennent est équivalente à celle du robinet.

Un document du ministère de l'Environnement obtenu par La Presse montre que Québec envisage d'appliquer une consigne à ces contenants. En ce qui concerne la «modernisation» de la consigne, on prévoit «élargir le système de consignation à tous les contenants de boisson en verre, en aluminium et en plastique, dont les bouteilles d'eau». Seuls les contenants comme les berlingots de lait et les cartons de jus seraient épargnés.

En plus de cette consigne, les bouteilles d'eau seraient visées par une «redevance à être versée par le producteur ou le premier fournisseur». Les revenus de cette redevance «permettront la mise en place de mesures visant la protection des sources d'eau potable, l'information et la sensibilisation des consommateurs à la réduction à la source du nombre de contenants d'eau à usage unique». Le document est fort critique sur l'achat d'eau embouteillée : celle-ci est «équivalente à celle de l'aqueduc» qui est «d'excellente qualité et pratiquement gratuite».

Pas clair



En chambre, le député caquiste Simon Jolin-Barrette s'est heurté à un mur quand il a interrogé, une nouvelle fois, le ministre David Heurtel sur ses intentions. La Coalition avenir Québec n'a pas pris position à l'égard de la consigne. «Ce dossier de la gestion des matières recyclables suscite l'attention de beaucoup de monde. On veut que ce soit transparent. Où s'en va le ministre, il faut que les gens le sachent», a soutenu le député caquiste de Borduas.

Le ministre Heurtel s'est engagé à rendre public un rapport qu'il avait commandé à un groupe de spécialistes de l'Université Laval, le CREATE. Une version préliminaire a été transmise au Ministère, elle est en train d'être validée, a-t-il expliqué.

Toute une mission

En haut lieu, des sources reconnaissent là les propositions du ministre Heurtel, «mais il aura à convaincre ses collègues». Il a de sérieux adversaires autour de la table du Conseil des ministres, notamment le responsable des Finances, qui représente les intérêts de la Société des alcools, fermement opposée à la consigne. Sa présentation devant le comité des priorités du Conseil des ministres n'est pas encore faite, mais ne devrait pas tarder.

Sans surprise, le document propose d'élargir le système de consignation aux bouteilles de vin et de spiritueux, ce qui permettrait d'améliorer la qualité des matières récupérées - le verre cassé rend inutilisable le reste du bac de récupération. On recommande aussi de revoir à la hausse le niveau des consignes, inchangé depuis 30 ans.

Pour 2017

Fait nouveau, le document propose un échéancier pour la mise en place d'un système de consigne. Le gouvernement devrait faire l'annonce de ses orientations au printemps ou au début de l'été. L'Environnement, Recy-Québec et la Société des alcools devraient prendre le reste de l'année 2015 pour préparer le programme. Le projet de loi serait déposé au début de 2016 et le règlement, à l'automne de la même année. L'implantation du système pourrait être chose faite au début de 2017.

Sondage favorable

Le Ministère a aussi fait mener des sondages pour appuyer son projet de consigne. Une enquête de Léger Marketing de mars 2015 montre un appui certain à la consigne des bouteilles de vin et d'eau. Ainsi, 65% des répondants affirment qu'ils retourneraient «toujours» leurs contenants vides s'il y avait consigne, et 24% disent que «la plupart du temps» ils se conformeraient à cette pratique. Les personnes âgées, les plus scolarisées et celles qui ont les revenus les plus élevés sont plus réceptives à l'élargissement éventuel de la consigne.

Un autre sondage, mené au même moment par Ipsos, indique que 84% des Québécois sont favorables à «la modernisation du régime québécois de consigne», une stratégie moins populaire que l'accroissement de l'efficacité énergétique des bâtiments (88% d'appuis), mais bien davantage que le bannissement du pétrole pour le chauffage des bâtiments (69%).