Le ministre de l'Environnement David Heurtel souhaite introduire la consigne des bouteilles de la SAQ.

Son ministère et Recyc-Québec ont reçu il y a un mois l'étude commandée par l'ex-gouvernement Marois au Centre de recherche de l'environnement, de l'agroalimentaire, des transports et de l'énergie (CREATE). Le document conclut qu'une consigne serait souhaitable au Québec, l'un des seuls endroits du Canada où on ne consigne pas les bouteilles de verre. Le groupe a étudié le recyclage de tous les contenants de boissons, des bouteilles d'eau jusqu'au tetrapack pour les jus de fruits. Seules les bouteilles de verre, à cause de leur poids plus important présentent un intérêt.

Des sources au ministère de l'Environnement confient que le projet de consigne pour la SAQ est monté au sommet des priorités du ministre David Heurtel. Il a souligné à grands traits ce projet quand il a présenté son plan d'action, son «tableau de bord» au Conseil exécutif, l'équivalent du ministère de Philippe Couillard, à la fin de 2014. Le ministère de l'Environnement rebrasse inutilement depuis près de 20 ans des scénarios pour consigner les bouteilles de la SAQ. Relancé par La Presse cette semaine, M. Heurtel s'est cependant refusé à tout commentaire; le projet n'a pas encore fait l'objet d'un mémoire au Conseil des ministres.

Les Québécois favorables

La question de la consigne pèse lourd dans l'opinion publique; des environnementalistes ont réuni rapidement 15 000 signatures favorables dans une pétition, en mars. Un récent sondage Léger Marketing révèle que 89% des Québécois iraient rapporter leurs bouteilles de vin si elles étaient consignées. Le mois dernier aussi, une étude de Recyc-Québec montrait que le système de recyclage du verre au Québec est dysfonctionnel depuis la fermeture, en 2013, de la dernière usine québécoise de conditionnement, à Longueuil.

Avec la collecte du verre dans le bac de récupération, le verre recyclé québécois est inutilisable dans la fabrication de bouteilles parce qu'il est contaminé par d'autres matières. Aussi la quasi-totalité du verre québécois se retrouve-t-elle au dépotoir, soit comme matériau de recouvrement, soit comme fondation pour les chemins, soit carrément parmi les ordures. Le problème ne date pas d'hier, à l'époque d'Eugène Poubelle, chef d'orchestre des déchets de Paris au XIXe siècle, on ramassait à part le verre et la céramique. On a retrouvé des montagnes d'amphores brisées chez les Romains.

Inquiétudes à la SAQ

Le projet de l'Environnement risque de se heurter à la direction de la Société des alcools inquiète de voir le projet avancer. Elle a toujours soutenu que ses locaux ne pouvaient accueillir les bouteilles retournées par les consommateurs. Au ministère de l'Environnement, on a évalué qu'il en coûterait environ 40 millions à la SAQ pour mettre en place le système pour récupérer le verre. Actuellement, la SAQ paye une sorte de dédommagement global, un chèque de 10 millions à Eco-Entreprise Québec, pour des projets environnementaux pour compenser pour le verre non récupéré.

Les centres de tri qui ont investi pour traiter le verre risquent de protester si on créait une nouvelle filière. Mais ils auront toujours à recycler le verre des déchets domestiques - essentiellement les pots de conserve du commerce.

Ailleurs au Canada

Dans l'est du pays, on repaie en consigne la moitié du prix payé à l'origine par le consommateur. Dans l'ouest, l'approche de la consigne différentielle étant plus sophistiquée, la consigne est différente selon le type de contenant. La différence entre le prix payé et la consigne retournée sert à payer le système de récupération. Actuellement, la récupération des canettes et des bouteilles de bière se finance à partir des contenants payés mais jamais retournés.

Consigne avantageuse

L'étude de CREATE a fait un tableau des autres provinces. Dans l'Ouest, la récupération du verre est plus lucrative. Le verre clair vaut bien davantage que le vert teinté pour les récupérateurs. Le CREATE ne va pas jusqu'à suggérer qui s'occuperait de la consigne. Il se limite à constater qu'il serait économiquement avantageux de consigner les bouteilles de verre.

Partout au Canada on arrive à la même conclusion, la consigne du verre est «relativement avantageuse» observent pour l'essentiel les chercheurs. En Ontario par exemple, ce sont les «Beer Store» qui récupèrent les bouteilles en tout genre et non la LCBO, l'équivalent ontarien de la SAQ. Dans l'Ouest du pays, on envoie les bouteilles à des centres de dépôt privés. Au Québec on pourrait penser que d'autres commerces, les épiceries ou les dépanneurs pourraient être désignés, mais l'étude est muette à ce sujet.