Feu vert à une des pièces maîtresses de la réduction des gaz à effet de serre (GES). Le marché du carbone Québec-Californie a enfin été lancé, après quelques mois de retard dus à des modifications réglementaires exigées par des élus américains. Il entrera officiellement en vigueur le 1er janvier 2014.

« On pense que le marché nous permettra de réaliser au moins 40 % des réductions nécessaires pour atteindre notre cible d'émission de GES », s'enthousiasme le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, en interview avec La Presse.

Grâce au marché, Québec prévoit aussi récolter des revenus de 2,5 milliards d'ici 2020. L'argent servira à financer d'autres initiatives du plan de lutte aux changements climatiques, qui n'a pas encore été déposé.

L'ABC DU MARCHÉ DU CARBONE : LE PRIX ET LE PLAFOND

Le marché du carbone établit un seuil maximal d'émission de GES. Les entreprises doivent acheter des crédits qui correspondent à ce seuil. Si une entreprise pollue davantage, elle doit compenser en achetant plus de crédits. Celui qui les vendra ? L'entreprise qui a moins pollué que la limite permise.

On fixe un prix plancher pour un crédit, qui correspond à une quantité de GES. Le prix de vente varie ensuite selon l'offre et la demande. Chaque année, le prix plancher augmente graduellement, et le plafond des émissions baisse.

On utilise donc les mécanismes du marché pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions et à se répartir la tâche de la façon la plus efficace possible.

COMMENCER PAR LES GROS POLLUEURS

Au Québec, le plafond d'émission sera plus bas que celui de la Californie, car sa cible de réduction pour 2020 est plus ambitieuse : 25 % sous le niveau de 1990. Celle de la Californie : revenir au niveau de 1990. Les entreprises québécoises doivent donc acheter plus de crédits pour une quantité égale d'émission.

Un projet pilote de mise en vente a eu lieu plus tôt cette année au Québec. La première vente officielle se fera en décembre. L'année prochaine, le marché s'appliquera aux 80 plus grands émetteurs du Québec. Il s'étendra l'année suivante au secteur du transport, de la transformation et du pétrole. « On couvrira 85 % des émissions totales », précise M. Blanchet.

CONVAINCRE LES ÉTATS-UNIS ET LE ROC

Le ministre Blanchet revient d'une mission américaine, où il a notamment participé au Carbon Forum North America. Il se dit « convaincu » que d'autres États américains ou provinces canadiennes finiront par se joindre au marché du carbone Québec-Californie. « On note depuis quelques années une ouverture, entre autres de certains États de la Nouvelle-Angleterre, dit-il. Mais dans l'ensemble du pays, les élections de mi-mandat, avec le retour des Républicains, ont eu un effet dévastateur. »

Des provinces ou États pourraient prudemment observer les débuts du marché avant de s'y rallier, prévoit le ministre.

MENACE « HORS DE TOUT DOUTE RAISONNABLE »

La menace des changements climatiques et la responsabilité de l'action humaine ont été prouvées « hors de tout doute raisonnable » par le nouveau rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), rappelle M. Blanchet. « Les conséquences seront dramatiques si on n'agit pas dès maintenant. »

Le président du GIEC, Rajenda Pachauri, a soutenu la semaine dernière qu'il faudrait implanter un marché mondial du carbone. « Il n'y a que les marchés pour obtenir une réponse forte et rapide », a-t-il dit.

Tout en disant combattre les changements climatiques, le gouvernement péquiste songe à appuyer le projet controversé d'oléoduc Enbridge 9B, qui acheminerait du pétrole de l'Ouest aux raffineries québécoises.