Le gouvernement fédéral doit faire face à de plus en plus de poursuites judiciaires d'environnementalistes pour des manquements présumés à sa propre Loi sur les espèces en péril.

Lundi encore, la « Timberwolf Wilderness Society » a déposé une requête en Cour fédérale pour forcer le ministre des Pêches et des Océans, Jonathan Wilkinson, à intervenir afin de protéger l'habitat d'un salmonidé, la truite fardée indigène, sur les versants est des montagnes Rocheuses, en Alberta.

Dans sa requête, l'organisme plaide que l'espèce est considérée comme menacée depuis 2013 en vertu de la Loi fédérale sur les espèces en péril. Un plan de rétablissement du poisson avait été déposé l'année suivante, mais en vertu de la loi, le ministre devait présenter son plan pour la mise en oeuvre d'une stratégie d'ici mars 2015. Le groupe environnemental soutient que le plan d'action a maintenant pris environ quatre ans de retard.

L'organisme souhaite que le ministre Wilkinson publie un projet de plan visant à protéger cette truite fardée indigène, qui a déjà été éliminée d'une grande partie de son aire de répartition d'origine et qui est menacée par la foresterie, le développement industriel et l'hybridation avec des espèces non indigènes comme la truite arc-en-ciel.

Cette requête est la dernière en date de plusieurs tentatives similaires visant à pousser le gouvernement fédéral à respecter sa propre Loi sur les espèces en péril. À la fin de janvier, une poursuite a ainsi été intentée pour forcer Environnement Canada à se conformer aux dispositions de la Loi qui obligent Ottawa à protéger les hardes de caribous de l'Alberta, après qu'une étude a conclu que la province ne l'avait pas fait.

Shaun Fluker, de la Clinique des lois d'intérêt public de l'Université de Calgary, qui représente la « Timberwolf Wilderness Society », soutient qu'au moins une douzaine de poursuites similaires ont été intentées depuis 2007.

Problème systémique

En 2014, la juge Anne Mactavish, de la Cour fédérale, avait conclu qu'il existait un problème systémique au sein des deux ministères censés protéger les espèces sauvages menacées et en voie de disparition. Certaines stratégies de rétablissement avaient déjà pris jusqu'à six ans et demi de retard. À l'époque, des stratégies ou des plans de gestion étaient attendus pour 163 espèces sur 192.

D'autres agences fédérales n'ont pas respecté non plus la loi. La décision d'élargir l'oléoduc Trans Mountain, par exemple, a été annulée en partie parce que l'évaluation de l'Office national de l'énergie ne tenait pas compte des obligations relatives aux espèces en péril concernant les épaulards.

Et certaines provinces continuent à approuver le développement économique sans trop se soucier des espèces en péril. L'agence de réglementation de l'énergie en Alberta avait approuvé des projets de sables bitumineux dans l'aire de répartition du caribou jugée cruciale, avant que l'on élabore finalement des plans visant à la conserver. L'agence étudie actuellement une requête pour l'établissement d'une mine de charbon près de l'un des cours d'eau les plus productifs pour la truite fardée.

« On dirait que les organismes de réglementation provinciaux agissent comme si rien ne se passait dans le dossier des espèces en péril », a estimé M. Fluker.

L'automne dernier, une étude a révélé que les espèces en voie de disparition répertoriées dans la loi fédérale avaient diminué en moyenne de 28 % depuis 2007. La truite fardée ne fait pas exception : une étude menée en 2015 a révélé que pratiquement tous les cours d'eau du sud de l'Alberta qui hébergent des truites indigènes étaient menacés par le développement industriel ou la surexploitation. Les dommages résultent des chemins forestiers, du développement énergétique, des sentiers de véhicules hors route et des effluents agricoles.