Des experts en droit, représentants du gouvernement et dirigeants de l'industrie suivront de près cette semaine les procédures en cour de la Saskatchewan et du gouvernement fédéral sur la constitutionnalité d'une taxe sur le carbone imposée par Ottawa.

Le gouvernement fédéral est sur le point d'imposer une taxe sur le carbone aux provinces qui n'ont pas de système en place à partir d'avril.

Le prix du carbone selon les paramètres établis par Ottawa commence à un minimum de 20 $ la tonne et doit augmenter de 10 $ par an jusqu'en 2022.

Le gouvernement du Parti saskatchewanais s'est toujours opposé à cette idée. La province affirme que la taxe nuirait à l'économie et estime que son propre plan de réduction des émissions est suffisant.

Le premier ministre Justin Trudeau a promis que la majeure partie de l'argent provenant de la tarification fédérale du carbone serait remise aux Canadiens sous forme de remboursements d'impôt et a fait valoir qu'il s'agissait d'un mécanisme nécessaire pour lutter contre les changements climatiques.

Le gouvernement de la Saskatchewan a demandé à la Cour d'appel de la province de déterminer si une taxe imposée par le gouvernement fédéral est constitutionnelle et deux jours d'audience doivent commencer mercredi.

« Il ne fait aucun doute que c'est une décision monumentale dans la vie de la Constitution canadienne », a déclaré Eric Adams, professeur de droit à l'Université de l'Alberta.

« La cour n'a pas encore abordé explicitement le changement climatique comme contexte de base pour une question constitutionnelle », a-t-il souligné.

Dans les documents déposés devant le tribunal, les gouvernements fédéral et de la Saskatchewan invoquent la Constitution pour montrer que ni Ottawa ni la Saskatchewan n'exercent un contrôle explicite sur l'environnement, mais que celui-ci chevauche les deux ordres de gouvernement.

Mais la Saskatchewan soutient qu'une taxe sur le carbone imposée par le gouvernement fédéral est « constitutionnellement illégitime », car elle ne s'applique qu'à certaines provinces.

« En vertu de notre Constitution, le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir de remettre en cause les décisions provinciales concernant des questions relevant de la compétence des provinces », indiquent des documents judiciaires déposés par la province.

Ces documents citent également une partie d'un avis juridique publié en 2017 par le Manitoba, qui s'est retiré du plan fédéral l'an dernier.

Bryan Schwartz, expert en droit, conclut qu'il y a de fortes chances que si la Cour suprême du Canada était appelée à se prononcer, elle maintiendrait une taxe fédérale sur le carbone.

Tout de même, le professeur en droit de l'Université du Manitoba estime qu'un argument « crédible », mais « non testé » pourrait être présenté sur la manière dont une telle mesure est appliquée. M. Schwartz écrit qu'il serait possible de prétendre qu'Ottawa « nierait arbitrairement » le pouvoir manitobain de gérer les réductions d'émissions à sa manière.

Ottawa soutient que le changement climatique est une préoccupation nationale et que le pouvoir du gouvernement fédéral d'imposer une taxe sur le carbone découle de l'article 91 de la Constitution, aux termes duquel des lois peuvent être adoptées « pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada ».

M. Adams a souligné que cet aspect n'est pas souvent cité dans les conflits constitutionnels, car il est difficile pour les tribunaux de définir les limites d'une « préoccupation nationale ».

Les arguments doivent être entendus devant un comité de cinq juges. Il y a aussi des observations de 16 intervenants représentant les deux côtés du différend.

Les demandeurs qui appuient la position du fédéral sont le gouvernement de la Colombie-Britannique, la Fondation David Suzuki et la Première Nation Athabasca Chipewyan.

Amir Attaran, avocat pour la Première Nation du nord de l'Alberta, soutient qu'un prix fédéral du carbone est une « nécessité constitutionnelle », car les effets du changement climatique ont une incidence sur les droits des peuples autochtones du Nord de chasser et de pêcher.

Parmi les intervenants du côté de la Saskatchewan figurent des alliés anti-taxe sur le carbone, tels que le Parti conservateur uni de l'Alberta et le gouvernement de l'Ontario, qui a lui-même engagé une action en justice.

Todd Lewis, président de l'Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, qui a également le statut d'intervenant, a déclaré qu'il appuyait la position de la province, estimant qu'une taxe sur le carbone toucherait de manière disproportionnée les agriculteurs.

M. Adams estime inévitable que le conflit se rende en Cour suprême du Canada.

« Je pense que tout le monde comprend que nous ne sommes pas encore dans le septième match de la finale de la coupe Stanley. Nous en sommes à une ronde préliminaire des éliminatoires », a-t-il illustré.