La transition vers une économie sobre en carbone représente une occasion d'affaires «à saisir» pour les entreprises du Québec, constate l'Institut du Québec dans un double rapport que La Presse a obtenu. Mais pour en tirer profit, il n'y a pas une seconde à perdre.

Les entreprises du Québec jouissent d'une longueur d'avance pour participer à la transition vers une économie sobre en carbone, avance l'Institut du Québec (IdQ), qui rappelle que cette transition engendrera des investissements de 34 000 milliards de dollars d'ici 2030 à l'échelle mondiale.

Puisque «la presque totalité de l'électricité produite au Québec» ne constitue «pas une source significative de gaz à effet de serre» (GES), les entreprises du Québec peuvent «rapatrier la production de biens traditionnellement produits dans des pays à plus forte intensité carbone», peut-on lire dans l'un des deux rapports sur la question qui seront publiés aujourd'hui.

C'est une occasion d'affaires «payante et pertinente» qu'il serait fou de laisser passer, a déclaré à La Presse Jean-Guy Côté, coauteur de l'étude et directeur associé de l'IdQ.

Agir vite

«Plusieurs compagnies changent dès maintenant leurs fournisseurs en fonction de l'empreinte carbone de ceux-ci», note le rapport, et cette tendance ira croissante, notamment en raison de la «pression qui vient des consommateurs», ajoute Jean-Guy Côté. Or, l'avantage du Québec est «temporaire», souligne le rapport à grands traits, puisque «plusieurs concurrents et voisins des entreprises du Québec amorcent, eux aussi, une décarbonisation de leurs activités».

Les entreprises québécoises doivent donc saisir l'occasion qui s'offre à elles sans tarder, afin de se tailler une place «dans les chaînes de valeur» en devenant «propriétaires de l'expertise et des accès», explique Jean-Guy Côté, dont le rapport évoque une «fenêtre d'opportunité» pour les «prochaines années».

L'exemple de l'aluminium

Certaines industries sont «clairement bien placées» pour profiter de la manne, comme celle de l'aluminium, affirme le rapport. «Des consommateurs majeurs d'aluminium comme Apple et Toyota tentent de réduire l'empreinte carbone de leurs activités», peut-on y lire.

Jean-Guy Côté ajoute que la «tendance» à la tarification du carbone dans le monde joue aussi en faveur du Québec. «À partir du moment où le carbone a un coût, le facteur carbone devient un risque pour l'entreprise», qui cherchera à le réduire, illustre-t-il.

Les secteurs de la fabrication et des centres de données sont également en mesure de tirer profit de la transition énergétique. 

Du «chemin à faire»

D'autres secteurs ont cependant «encore du chemin à faire», reconnaît Jean-Guy Côté. «Lorsque vous avez de la combustion dans votre procédé industriel, ce n'est pas nécessairement sobre en carbone», pointe-t-il. C'est pourquoi le rapport de l'IdQ recommande aux entreprises de «prioriser l'électrification et le sobre en carbone comme axes stratégiques de croissance» et enjoint au gouvernement québécois de leur offrir un appui financier pour y parvenir.

Le rapport ne mise d'ailleurs par sur le gaz naturel, qu'il décrit comme «une énergie de transition qui est vouée à être remplacée», y voyant un autre avantage de l'hydroélectricité québécoise.

L'État doit donner l'exemple

Le gouvernement doit «promouvoir efficacement» l'avantage compétitif du Québec, affirme le rapport, qui suggère l'établissement d'une «stratégie économique visant à asseoir le Québec comme plaque tournante du savoir-faire sobre en carbone en Amérique du Nord».

Aussi, l'État peut aider les entreprises d'ici à profiter de la transition énergétique mondiale en devenant lui-même le «premier acheteur» de produits ou services «sobres en carbone», écrit le rapport, ce qui en démontrerait la pertinence économique tout en soutenant l'innovation technologique.

Le gouvernement pourrait, par exemple, lancer «un appel à solutions innovantes» pour remplacer les systèmes de climatisation, très énergivores, de ses édifices, illustre Jean-Guy Côté.

Accroître l'efficacité

L'avantage du Québec est attribuable aux «choix passés en matière énergétique» qui font que 99,9% de notre électricité provient de sources renouvelables, souligne le rapport. Le Québec jouit par ailleurs d'une grande marge de manoeuvre en raison de son surplus énergétique, mais ce surplus «n'est pas infini», met en garde le rapport.

Le Québec ne doit donc pas faire l'économie d'efforts d'accroissement de son efficacité énergétique, estime l'IdQ, qui rappelle que la consommation énergétique des Québécois «demeure l'une des plus élevées en Occident» et que «la moitié de l'énergie qui transite dans le système énergétique québécois est perdue» en raison de diverses carences.