Après avoir longtemps entretenu le suspense, Donald Trump a annoncé jeudi la sortie de l'accord de Paris sur le climat, isolant les États-Unis sur la scène internationale et suscitant une immense déception parmi les 194 autres pays signataires de ce texte historique.

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«L'heure est venue de quitter l'accord de Paris», a lancé le président américain dans les jardins de la Maison-Blanche dans un long discours - parfois confus - au cours duquel il a par moments retrouvé les accents de sa campagne électorale.

Sans surprise, les réactions ont fusé des quatre coins de la planète, entre stupeur, colère et effarement.

«J'ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris», a lancé le président septuagénaire, qui a mis en avant la défense des emplois américains et dénoncé un accord «très injuste» pour son pays.

L'accord de Paris, conclu fin 2015 et dont son prédécesseur démocrate Barack Obama fut l'un des principaux architectes, vise à contenir la hausse de la température moyenne mondiale «bien en deçà» de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle.

Les États-Unis sont le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, derrière la Chine.

La décision de jeudi va au-delà de la question climatique; elle donne une indication sur le rôle que les États-Unis version Donald Trump entendent jouer sur la scène internationale dans les années à venir.

Affichant sa volonté de négocier un «nouvel accord» ou de renégocier l'existant, Donald Trump, élu sur la promesse de «L'Amérique d'abord», est resté extrêmement évasif sur les engagements que les États-Unis seraient prêts à prendre.

«Make our planet great again»

La réponse des Européens, tranchante, ne s'est pas fait attendre: s'ils «regrettent» cette décision, Berlin, Paris et Rome ont souligné, dans un communiqué commun, que l'accord ne pouvait en aucun cas être renégocié.

Jugeant que M. Trump avait commis «une erreur» pour les intérêts de son pays et «une faute» pour l'avenir de la planète, le nouveau président français Emmanuel Macron a appelé les «scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs, citoyens engagés» américains à venir travailler en France «sur des solutions concrètes pour le climat».

À l'offensive, passant à l'anglais, il a souligné la responsabilité commune de tous les pays : «Make our planet great again» dans une allusion au slogan de Trump («Make America Great Again»).

La chancelière allemande Angela Merkel a «regretté» cette initiative. Le premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen a déploré une «triste journée pour le monde».

La façade de l'Hôtel de Ville de Paris a été éclairée en vert pour manifester la désapprobation de Paris à l'égard de cette décision, et rappeler «la détermination des villes à appliquer l'accord de Paris».

Barack Obama a amèrement regretté cet arbitrage de son prédécesseur, jugeant que les pays qui restent dans l'accord de Paris «seront ceux qui en récolteront les bénéfices en matière d'emplois».

«J'estime que les États-Unis devraient se trouver à l'avant-garde. Mais même en l'absence de leadership américain; même si cette administration se joint à une petite poignée de pays qui rejettent l'avenir; je suis certain que nos Etats, villes et entreprises seront à la hauteur et en feront encore plus pour protéger notre planète pour les générations futures».

Revers pour le leadership américain 

Des villes et des États américains puissants comme la Californie ou New York ont justement rapidement annoncé qu'ils ne se sentaient pas liés par la décision de Donald Trump.

De même, de nombreuses figures du monde économique ont fait part de leur déception, et ont insisté sur l'urgence d'agir face au réchauffement.

Le patron de GE, Jeff Immelt, s'est dit «déçu». «Le changement climatique est une réalité. L'industrie doit montrer l'exemple et ne pas être dépendante du gouvernement».

Elon Musk, le très médiatique PDG du constructeur de voitures électriques Tesla et ardent défenseur des énergies renouvelables, a immédiatement annoncé qu'il quittait les différents cénacles de grands patrons conseillant Donald Trump. «Le changement climatique est réel. Quitter Paris n'est pas bon pour l'Amérique et le monde» a-t-il tweeté.

Lloyd Blankfein, le PDG de la banque d'affaires Goldman Sachs dont l'ancien numéro 2 est devenu un conseiller influent de Donald Trump, a jugé que le retrait des États-Unis était un «revers» pour l'environnement et «pour le leadership des États-Unis dans le monde».

Quelques centaines de personnes se sont rassemblées devant la Maison-Blanche pour dire leur colère.

«Il ne comprend pas la science, il va nous faire revenir plusieurs années en arrière», tempêtait Rebecca Regan-Sachs, 34 ans, brandissant un panneau sur lequel on pouvait lire : «Message au reste du monde: nous sommes désolés, la plupart d'entre nous ont voté contre cet idiot».

L'objectif des États-Unis, fixé par l'administration Obama, était une réduction de 26% à 28% de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005.

Concrètement, le 45e président des États-Unis devrait invoquer l'article 28 de l'accord de Paris, qui permet aux signataires d'en sortir. En raison de la procédure prévue, cette sortie ne deviendra effective qu'en 2020.

Cependant, a pris soin de préciser M. Trump, les États-Unis cessent «dès aujourd'hui» son application.

Cinq choses à savoir sur l'accord de Paris

L'accord de Paris, dont Donald Trump s'est retiré, est le premier pacte engageant l'ensemble de la communauté internationale dans la lutte contre le changement climatique, qui constitue l'un des grands défis du 21e siècle.

147 pays

L'accord a été signé en décembre 2015 à Paris par 195 pays plus l'Union européenne, à l'issue de plusieurs années d'âpres négociations. À ce jour, 147 pays sont allés au bout de leur processus de ratification. Parmi les grandes économies, la Russie et la Turquie manquent à l'appel.

Préavis

Pour se retirer de l'accord, un pays doit le notifier au secrétariat de la Convention climat de l'Onu (CCNUCC), mais il ne peut le faire que trois ans après l'entrée en vigueur du texte, effective depuis le 4 novembre 2016. Ensuite, il y a un préavis d'un an avant d'être réellement «sorti» de l'accord.

Plus rapide mais aussi plus radical : un pays peut se retirer de la Convention climat de l'Onu, qui compte 197 membres. Cela est effectif un an après la notification. Dans les faits, à partir du moment où un pays dit qu'il se retire, il ne participe plus aux réunions de négociations, selon Todd Stern, l'ex-négociateur américain. Il ne finance plus la CCNUCC ou les programmes climat internationaux. 

2°C

L'accord fixe un objectif global de maintenir la hausse de la température moyenne mondiale «bien en deçà 2°C» par rapport à l'ère pré-industrielle et si possible à 1,5°C, un seuil déjà synonyme de profonds changements selon les climatologues. Le plafond de 2°C n'est pas atteignable avec les engagements actuels de réduction de gaz à effet de serre que les pays ont pris sur une base volontaire. L'accord prévoit que ces objectifs soient révisés.

Énergies fossiles

Selon les experts du Giec, pour rester sous 2°C, il faut que les émissions de gaz à effet de serre soient diminuées de 40 à 70% d'ici 2050. Cela implique de se détourner progressivement des énergies fossiles (80% des émissions de gaz à effet de serre), ce que l'accord ne dit pas explicitement. Le texte indique seulement que les pays recherchent «un plafonnement des émissions dans les meilleures délais».

Transparence

Si les objectifs nationaux sont volontaires, les pays se sont engagés à rendre compte de leurs politiques climat et de leurs résultats et à faire des bilans collectifs des efforts mondiaux. L'organisation de ce processus doit encore être précisée. La transparence doit aussi s'appliquer à l'aide fournie par les pays riches aux plus pauvres.

REUTERS

Un signe de paix humain a été tracé par des environnementalistes devant la tour Eiffel en soutien à l'accord de Paris.