À l'approche de la Saint-Valentin, la plupart des roses coupées offertes par les fleuristes du Québec sont importées, produites par de la main-d'oeuvre bon marché ou pleines de pesticides. Est-il possible de rendre la fête de l'amour écoresponsable ?

Engrais chimiques, pesticides, fongicides, insecticides, bilan carbone explosif. Près de 13 millions de douzaines de roses sont importées chaque année au Canada, principalement par avion de la Colombie et de l'Équateur. Quelles sont les solutions de rechange écoresponsables ?

Au Québec, il faut s'arrêter le long de la route Transcanadienne, entre Montréal et Québec, chez Rose Drummond, pour trouver des roses qui n'ont pas fait le parcours en avion. Seul grand fleuriste-producteur québécois de roses, Rose Drummond a néanmoins dû réduire de plus des deux tiers sa production (de trois à un demi-hectare) ces dernières années en raison des coûts de chauffage, étant donné que la production est très énergivore.

« L'offre ne suffit pas à la demande, affirme Amélie Lampron, directrice générale du producteur. Je produis 250 000 roses et 200 000 gerberas, mais il est impossible pour les fleuristes de s'approvisionner chez nous à la période de la Saint-Valentin. Nous ne produisons pas assez, je dois même en acheter à l'étranger. »

Des orchidées comme option

Biologiste de formation, André Poliquin est une référence dans la culture des roses, clématites et orchidées.

« Offrir des roses coupées, c'est un cadeau empoisonné. À choisir, j'irais plutôt vers les fleurs en pot, vers une orchidée en fleurs. Une douzaine de roses coûte environ 60 à 70 $, une orchidée peut coûter seulement 12 $ », explique-t-il.

Selon lui, les producteurs ont presque tous disparu au Québec en raison de la concurrence des producteurs étrangers.

« En Colombie ou en Équateur, ils font tout pour obtenir la rose parfaite, à bas prix, en utilisant des pesticides interdits au Canada. Il y a aussi le recours à de la main-d'oeuvre bon marché. »

Fleurs locales

À Laval, au bout de la montée Champagne, l'horticulteur Laurent Leblond offre toute une gamme d'orchidées : restrépia, phalaenopsis, paphiopedilum, masdevallia et la plus célèbre d'entre toutes, le catleya, associé à la passion amoureuse, au mariage. Ici, pas de pesticides, même pas de fongicides. L'horticulteur utilise du savon noir pour les insectes. Il faut toutefois se déplacer pour acheter ses orchidées, explique-t-il.

« Avant, on trouvait mes orchidées dans les grandes surfaces, mais ces commerces exigent aujourd'hui des fleurs traitées chimiquement. J'aurais aimé faire plus d'argent, mais c'est un choix que j'ai fait. » - Laurent Leblond, horticulteur

Amélie Lampron, dirigeante chez Rose Drummond, affirme que son entreprise utilise aussi du savon noir, et que l'empreinte écologique a été réduite grâce à l'utilisation d'un support végétal de noix de coco ainsi qu'à une technique hydroponique inspirée du Moyen-Orient qui ne nécessite presque pas d'eau.

Réduire le plastique

« À l'heure actuelle, on tente d'éliminer le plastique, dit Mme Lampron. On a réussi à faire passer de 100 000 à 9000 le nombre de manchons que nous achetons pour emballer les fleurs. On utilise le papier kraft. Mais le plastique est plus facile pour fournir les fleuristes. On cherche des solutions. »

Selon la gestionnaire, il y aura réellement des changements verts dans le marché des fleurs quand les consommateurs s'informeront avant d'acheter, un peu comme ils le font de plus en plus à l'épicerie, avec les produits locaux, équitables ou certifiés bios.

Audrey-Michèle Simard s'est lancée dans le mouvement slow flower en lançant l'entreprise Prairies, spécialisée dans le stylisme et l'ornement écoresponsable pour entreprises. D'emblée, elle constate que le marché des fleurs coupées actuel ressemble aux étagères de nourriture bio, il y a 10 ans.

« Ça ne se compare pas puisqu'on ne mange pas nos bouquets de fleurs, on n'ingère pas les pesticides. Néanmoins, mon travail consiste à éveiller les consciences des distributeurs. On commence à voir apparaître des sections de fleurs locales chez les fleuristes. Le problème, c'est que les fleurs ne portent pas une étiquette de certification. Le consommateur doit s'informer sur la provenance des fleurs. »

À défaut, l'horticultrice Chloé Roy, qui a fondé Floramama, suggère d'offrir un abonnement de bouquets de fleurs de saison pour la Saint-Valentin. Ses dahlias, anémones, zinnias et plusieurs autres variétés poussent à la belle saison, sans engrais ni pesticides.

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Le mouvement slow flower

Après les mouvements slow food pour la cuisine et slow fashion pour les vêtements, le mouvement slow flower a fait son apparition aux États-Unis pour promouvoir et soutenir l'achat local de fleurs cultivées. Il existe même un site web pour faire des recherches locales de fleurs cultivées selon les régions américaines. Rapidement, le mouvement slow flower s'est étendu à la France, où des statistiques nationales ont démontré que 9 fleurs vendues sur 10 étaient importées, essentiellement des Pays-Bas, mais aussi du Kenya, de l'Équateur ou de la Colombie.