La couverture médiatique entourant les changements climatiques est huit fois plus importante que celle portant sur les enjeux liés à la biodiversité. C'est la conclusion à laquelle est arrivé un groupe de chercheurs québécois qui a analysé le travail de 12 grands quotidiens au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni.

DES CHIFFRES ET UNE PERCEPTION 

Les enjeux entourant les changements climatiques sont-ils vraiment plus médiatisés que ceux sur la crise de la biodiversité ? C'est la question à laquelle une équipe de chercheurs de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), de l'Université Laval et de l'Université de Sherbrooke a tenté de répondre. Ce sont les deux principaux enjeux en matière d'environnement, mais la perception générale est que les changements climatiques reçoivent une couverture plus importante des grands médias. L'étude québécoise publiée en janvier dans la revue Frontiers in Ecology and Evolution montre que la couverture médiatique des changements climatiques est huit fois supérieure à celle de la crise de la biodiversité.

12 QUOTIDIENS ET 3 PAYS 

Les chercheurs ont analysé les textes de 12 quotidiens anglophones au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Une série de mots-clés a été utilisée pour extraire les textes portant sur les changements climatiques et la crise de la biodiversité. S'ils reconnaissent que les choix des mots-clés peuvent influencer les résultats, les auteurs disent néanmoins avoir confiance que ceux-ci reflètent la réalité. « Nous nous sommes basés entre autres sur une étude américaine qui a analysé la couverture de 38 journaux dans 8 pays au sujet des changements climatiques et qui révélait la même tendance générale », explique Pierre Legagneux, auteur principal de l'étude et post-doctorant à l'UQAR.

UNE ÉTUDE IMPARFAITE 

Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la Société pour la nature et les parcs, section Québec (SNAP), trouve l'étude fort intéressante. « Elle a le mérite de provoquer une discussion. » Mais en raison d'un biais sélectif, les résultats auraient été différents, selon lui. « Si on n'avait pas exclu les textes qui faisaient à la fois référence à la crise de la biodiversité et aux changements climatiques, l'écart aurait certainement été moins important », analyse-t-il. Malgré tout, il reconnaît que le postulat de départ est tout à fait exact. « Les changements climatiques occupent en effet un espace médiatique plus grand que la crise de la biodiversité. »

RECHERCHÉ : CHAMPION DE LA BIODIVERSITÉ 

Selon Pierre Legagneux, plusieurs raisons expliquent cet écart dans la couverture médiatique des deux enjeux. Il estime que la biodiversité aurait besoin de son champion, comme Al Gore ou Leonardo DiCaprio, qui sont les porte-étendards des changements climatiques. Le public et les médias ont aussi tendance à faire des liens entre la météo et les changements climatiques. Or, la météo et ses nombreux incidents obtiennent généralement une importante couverture des médias. « L'érosion de la biodiversité, c'est un phénomène lent qu'on ne peut filmer en direct tel un ouragan ou autres phénomènes climatiques extrêmes », signale Alain Branchaud.

UNE SIXIÈME EXTINCTION DE MASSE 

Plusieurs experts ont conclu que la Terre vivait actuellement sa sixième extinction de masse. Dans une étude parue dans la revue Science Advances en 2015, des chercheurs ont conclu que les disparitions d'espèces avaient été multipliées par 100 depuis 1900, soit à un rythme qu'on n'a pas vu depuis 65 millions d'années lors de l'extinction des dinosaures.

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LES MÉDIAS ANALYSÉS

AU CANADA : The Globe and Mail, National Post, The Toronto Star, Winnipeg Free Press 

AUX ÉTATS-UNIS : The New York Times, USA Today, The Wall Street Journal, The Washington Post 

AU ROYAUME-UNI : Financial Times, The Guardian, The Independent, The Times