Le Québec est incapable d'atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES). Et pour l'aider, un groupe d'experts propose un important brassage des structures provinciales. Au menu : un nouveau ministre pour jouer les chefs d'orchestre, une agence pour coordonner la lutte contre les émissions de CO2 et un comité d'experts indépendants pour vérifier que les plans tiennent la route.

C'est ce qui sera annoncé ce matin à l'Institut du Nouveau Monde avec le lancement du projet Le climat, l'État et nous. L'initiative émane de 23 scientifiques québécois et est soutenue par le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, l'Institut de l'énergie Trottier et l'Institut du Nouveau Monde.

« On a fait la preuve que les structures actuelles sont incapables d'assurer la cohérence des mesures. Il faut donc proposer autre chose », explique le physicien Normand Mousseau, de l'Université de Montréal, l'un des architectes du projet.

Le groupe déplore le fait que des ministères comme les Transports ou les Affaires municipales prennent des décisions qui ont des impacts environnementaux, mais que personne ne s'assure qu'elles s'inscrivent dans le plan de lutte contre les émissions de GES. Il soutient aussi que personne ne calcule quels scénarios sont les plus susceptibles de conduire à des réductions de gaz à effet de serre, ni vérifie l'efficacité des mesures implantées.

NOUVEAU MINISTRE

Pour régler le problème, les experts proposent de former un comité ministériel regroupant tous les ministères impliqués dans la lutte contre les GES (ceux responsables des questions économiques, du transport, de l'énergie et de l'aménagement du territoire, par exemple). Ce groupe ministériel serait sous la supervision d'un nouveau « ministre du Développement durable », distinct de l'actuel ministre de l'Environnement.

Une Agence du regroupement durable, qui regrouperait notamment l'actuel Fonds vert et Transition énergétique Québec, serait formée pour déployer les actions. Puis un comité d'experts indépendants s'assurerait de l'efficacité des mesures.

D'où vient l'inspiration ? « On a regardé l'Angleterre parce que c'est un système parlementaire. Ce qui se fait en Suède, par exemple, n'est pas vraiment transférable chez nous », répond le professeur Mousseau, qui a coprésidé la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.

« PROPOSITION MARTYRE »

Le modèle avancé par le groupe se veut comme une « proposition martyre ». « On la met sur la table pour lancer le débat, dit Normand Mousseau. Évidemment, comme c'est la première, elle va être déchiquetée de toutes parts. Mais ce n'est pas un problème, on va être bien contents. Pourvu qu'on avance dans le débat et le positionnement. »

Le public sera aussi appelé à se prononcer sur une plateforme qui sera mise en ligne aujourd'hui et à laquelle on pourra accéder via le site web de l'Institut du Nouveau Monde.

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FORUM NATIONAL


Normand Mousseau affirme que ce n'est pas hasard si l'initiative survient en pleine année électorale. Le groupe prévoit déjà pour le 12 avril un « Forum national » réunissant les partis politiques, les municipalités, les gens d'affaires, les syndicats et la société civile pour s'entendre sur les grands principes devant guider la lutte contre les émissions de GES.

Photo François Roy, Archives La Presse

Le physicien Normand Mousseau est l'un des architecte du projet Le climat, l'État et nous.