Le phénomène de désorientation observé chez les abeilles, sous l'effet de certains insecticides très utilisés en agriculture, est plus important par mauvais temps et dans un paysage varié, montre une étude française publiée jeudi dans Nature Communications.

L'équipe de Mickaël Henry, de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), et Axel Decourtye, de l'Association de coordination technique agricole (ACTA), avait déjà montré, en 2012, que de faibles doses d'un insecticide de la famille des néonicotinoïdes - le thiaméthoxame - pouvaient perturber l'orientation des abeilles et les empêcher de retrouver leur ruche, entraînant la mort d'un grand nombre d'entre elles.

Dans une nouvelle étude, ils ont reproduit l'expérience, mais en prenant en compte cette fois deux critères environnementaux : les conditions météorologiques et la variété du paysage.

Les chercheurs ont collé des micropuces électroniques sur le thorax de près d'un millier d'abeilles, afin de suivre leurs déplacements. Certaines d'entre elles avaient au préalable été exposées à des doses non mortelles de thiaméthoxame.

Les butineuses ont ensuite été relâchées à 1 km de leur ruche, dans des paysages différents (paysage de bocage ou de plaine), et dans des conditions météorologiques plus ou moins favorables (ciel dégagé et températures supérieures à 28 °C ou au contraire ciel nuageux et températures entre 15 et 20 °C).

«Les résultats montrent une influence notable des conditions météorologiques et de la complexité paysagère sur la sensibilité des abeilles à l'insecticide», relève l'INRA dans un communiqué.

Les scientifiques ont ainsi pu établir que le risque moyen de non-retour à la ruche induit par le pesticide passe de 3 % dans des conditions météorologiques favorables, à 26 % lorsqu'elles deviennent mauvaises. Ce dernier taux est de plus modulé par le paysage : il atteint 35 % dans les paysages de bocage contre 18 % dans les paysages ouverts.

Les chercheurs expliquent que pour rentrer à la ruche, les abeilles s'orientent grâce à la position du soleil et aux repères visuels (arbres, haies...) qu'elles ont mémorisés.

Par mauvais temps, elles utilisent davantage les repères du paysage, mais l'étude montre qu'elles ne semblent plus y parvenir si elles ont été exposées à l'insecticide. «L'exposition à de faibles doses d'insecticide semble ainsi altérer leur capacité à faire appel à leur mémoire spatiale», explique l'INRA.

«La sensibilité des abeilles à l'insecticide n'est donc pas identique partout et par tous les temps, mais varie selon les conditions environnementales», conclut-il.

Une autre étude, réalisée par des chercheurs néerlandais et publiée la veille dans la revue Nature, a montré que les insecticides néonicotinoïdes affectent également les oiseaux, peut-être parce qu'ils déciment les insectes dont ils se nourrissent.