C'est connu depuis longtemps, mais pour la première fois, on l'a cartographié: il y a du gaz présent naturellement - parfois en fortes concentrations - dans l'eau souterraine dans plusieurs zones du sud du Québec.

C'est l'un des constats d'une équipe de chercheurs qui a analysé l'eau dans la région où on envisage d'exploiter le gaz de schiste.

Cette zone au sud du fleuve, entre la frontière américaine et la région de Lotbinière, recouvre le gisement Utica.

L'étude a nécessité l'analyse de l'eau en provenance de 130 puits existants ou forés spécialement pour l'occasion, sur environ 14 000 km2. Le méthane (ou gaz naturel) et le radon, un gaz radioactif, ont été mesurés.

Et dans 17 cas, le taux de méthane dépasse le «seuil d'alerte» de 7 mg par litre proposé par Québec dans un projet de règlement. Par contre, aucun ne dépasse la norme canadienne de radon.

«Le taux de 7 mg par litre n'est pas très inquiétant, affirme Daniele Pinti, de l'UQAM, auteur principal de la recherche. Mais si on approche de 24 ou 28 mg, on dépasse le taux de solubilité du méthane dans l'eau. Cela veut dire que le méthane passe en phase gazeuse et qu'il peut s'enflammer. Il faut alors prendre des mesures pour ventiler le puits.»

Les propriétaires des puits identifiés par les chercheurs ont été avertis.

Avec ce portrait du gaz naturellement présent dans l'eau, le Québec pourra faire un meilleur suivi que bien d'autres régions en ce qui concerne l'impact de l'industrie gazière sur les eaux souterraines.

«On a proposé de faire cette étude pour mesurer le bruit de fond naturel du méthane dans les eaux souterraines, explique M. Pinti. L'idée était de connaître la présence naturelle de méthane.»

Selon M. Pinti, le Québec est un territoire pratiquement vierge, avec seulement 18 puits fracturés, comparativement à la Pennsylvanie, par exemple, où des milliers de puits ont été fracturés sans qu'on ait un portrait de la situation de départ.

Origine du méthane

Les chercheurs se sont intéressés à l'origine du méthane. S'il est de source «biogénique», il n'est pas associé aux réservoirs d'hydrocarbures. Pour cela, il faudrait qu'il soit de source «thermogénique».

«On ne savait pas à quoi s'attendre, dit M. Pinti. Et on voit que, pour la grande majorité des puits, le méthane est d'origine biogénique, donc produit par les bactéries. On voulait voir si les gaz de l'Utica arrivent à la surface. Et pour le moment, ce n'est pas le cas.»

Selon M. Pinti, ce résultat permettra de détecter la signature d'une contamination éventuelle par l'industrie, si elle survenait.

L'étude identifie des zones où le méthane est présent naturellement dans l'eau: une à Bécancour, une dans la campagne au sud de Gentilly, une autre entre Saint-Hugues et Saint-Guillaume, en Montérégie, et deux zones de la vallée du Richelieu, au nord et au sud de Saint-Jean.

Selon M. Pinti, ces zones montrent qu'il y a un lien entre la présence naturelle de gaz dans l'eau et la proximité de failles géologiques.

«On voit qu'il y a une relation entre la présence de gaz et la proximité de failles majeures, en particulier le long de la faille de Logan, dit-il. C'est intéressant à observer. Les pétrolières disent que ces failles sont scellées. Mais on sait aussi que les pétrolières essaient d'éviter ces zones.»