Les policiers impliqués dans la mort de Fredy Villanueva ont commis deux «erreurs» le soir du 9 août 2008, a expliqué mardi un expert de l'École nationale de police du Québec.

Non seulement auraient-ils dû avertir leurs collègues de l'intervention qu'ils s'apprêtaient à faire, mais ils auraient aussi dû appeler du renfort plus rapidement, a noté Bruno Poulin à l'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva.

Dès que les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte sont arrivés au parc Henri-Bourassa dans le but de distribuer des constats d'infraction au groupe de jeunes qui jouaient aux dés, il aurait été nécessaire «qu'ils donnent leur position et les raisons de l'intervention» grâce à leur radio.

Les deux policiers ne l'ont pas fait, et «c'était une erreur», croit M. Poulin.

L'expert en emploi de la force, qui a participé à la formation de 8000 policiers à l'ENPQ, croit aussi «qu'un des deux (policiers) aurait dû demander du renfort» dès que Villanueva s'est mis à «résister» à l'arrestation de son frère, plutôt que d'attendre que les choses dégénèrent.

Lors du témoignage de la policière Stéphanie Pilotte en décembre 2009, il a été établi que seulement 13 secondes ont séparé la demande de renfort de l'agent Lapointe et le moment où sa coéquipière a demandé des ambulances pour les trois jeunes blessés par balle.

Lorsqu'on lui a demandé si, compte tenu des circonstances, les policiers auraient dû appeler du renfort avant même d'intervenir, M. Poulin a offert une réponse nuancée.

«On n'a pas de règles à ce sujet, a-t-il dit. Certains policiers auraient appelé du renfort, d'autres ne l'auraient pas fait et auraient attendu plus longtemps. Je ne peux pas dire que ça constitue une erreur. C'est certain que, connaissant la suite des choses, il aurait été plus sage d'appeler du renfort.»

Une reconstitution vidéo

Le témoignage de l'expert Bruno Poulin a duré presque toute la journée mardi au palais de justice de Montréal. À part ces deux reproches, ses déclarations ont été plutôt favorables aux deux policiers impliqués dans la mort de Fredy Villanueva.

«Je suis d'avis que l'agir des policiers est conforme avec nos enseignements à l'École nationale de police du Québec», a-t-il dit.

M. Poulin a d'ailleurs expliqué que si le coroner décide de recommander une utilisation accrue des renforts lors d'interventions, l'ENPQ «va l'enseigner».

Bruno Poulin a témoigné à l'enquête du coroner à l'invitation de l'avocat représentant le Directeur des poursuites criminelles et pénales, Me François Brière. Il devait présenter une animation 3D recréant les événements qui ont mené à la mort de Fredy Villanueva et dont il est l'auteur.

La vidéo a été admise en preuve, mais n'a toujours pas été diffusée à l'enquête. On y voit des personnages, tous de la même taille, qui reproduisent la scène du 9 août 2008 selon la version de l'agent Lapointe.

Les avocats du clan Villanueva ont d'ailleurs qualifié l'exercice de partial. Plus tôt dans la journée, ils avaient aussi tenté de minimiser l'expertise de Bruno Poulin dans le champ spécifique des armes à feu.

M. Poulin est le seul «expert en emploi de la force» au Québec. Il a expliqué que ses tâches à l'ÉNPQ consistent en partie à enseigner l'utilisation judicieuse d'une arme à feu.

Or, M. Poulin n'avait aucune expérience des armes à feu avant d'être embauché par l'ÉNPQ en 1991 puisqu'il n'a jamais été policier. Le bachelier en éducation physique avait auparavant été agent correctionnel et c'est uniquement à l'École, sous la tutelle d'un mentor, qu'il a appris le maniement des armes.

«Vous avez appris sur le tas?» lui a demandé Me René Saint-Léger, avocat de l'un des jeunes blessés par balle en août 2008, Denis Méas.

«Je préfère dire par mentorat», a répliqué l'expert.

«Il est ridicule de dire que M. Poulin ne connaît rien aux armes à feu parce qu'il n'a jamais été patrouilleur», a affirmé l'avocat de la Fraternité des policiers, Me Michael Stober.

«Scotty Bowman et Jacques Demers n'ont jamais joué dans la Ligue nationale, a-t-il dit. Pourtant, ils ont fait d'excellents coachs et personne ne prétendrait qu'ils ne connaissent rien aux slapshots.»

Le contre-interrogatoire de l'expert Bruno Poulin va se poursuivre cette semaine.