Le trio de skippers qui actuellement tourne le cap Horn se prépare à trouver refuge à l'aube d'une tempête exceptionnelle: la pire du Vendée Globe depuis 1996.

Vents soutenus à 60 noeuds, rafales jusqu'à 80-85 noeuds et vagues de la taille d'un immeuble (10-12m), voilà avec un peu de retard sur la prévision d'origine, ce qui est attendu aujourd'hui comme conditions pour Dee Caffari (Aviva), Arnaud Boissières (Akenas Vérandas) et Brian Thompson (Team Pindar). Thompson vient de passer le célèbre cap et devient du coup le seul marin du trio qui aura une marge de manoeuvre dans le temps afin de trouver refuge dans une baie des Malouines. Pour Arnaud Boissières et Dee Caffari, qui sont à quelques heures derrière

Thompson, la situation sera beaucoup plus corsée, voir très limite. Alors qu'ils sont habitués à naviguer dans des conditions de mer pas très invitantes pour le commun des marins, si certains des meilleurs navigateurs de la planète cherchent une cachette, dites-vous bien que c'est par nécessité. Des rafales à 85 noeuds se traduisent par une vitesse de vent à 160 km/h qui rend la navigation impraticable et génère des risques beaucoup trop élevés tant pour l'homme que la machine. En temps normal, les marins contournent ces grosses dépressions par leur pourtour afin d'éviter leurs centres et c'est le problème présentement : le centre même de tempête est en alignement direct avec la route qui ne peut être que très légèrement modifiée à la suite du passage du cap. Impossible de revenir vers l'arrière, de descendre plus au sud ou d'aller plus vite vers l'est. Il reste donc les îles autour du célèbre cap à la pointe du Chili et au nord de la route des marins.

Lors de la conférence de presse quotidienne de ce matin, Dee Caffari, aux prises avec des problèmes de délaminage de la grand-voile soulignait :

« Cela fait du bien de penser que l'on va passer le cap Horn, mais je crois qu'on va reporter les célébrations jusqu'après la tempête. Je vais ralentir et cherche à me mettre à l'abri. Cela fait bizarre dans une course, mais je fais ce que peut pour éviter le pire de la tempête. Le centre de la dépression va passer sur nous. On ne peut pas aller plus rapidement que le déplacement de cette dépression. On va subir le côté ouest de cette zone avec un vent de sud-ouest. On va avoir 6 à 9 heures de gros temps, mais ce ne sera pas le pire endroit, car cela risque d'être plus au nord. Une fois que le pire est passé, j'espère pouvoir redémarrer encore, mais ce ne sera pas évident avec ce qui reste de ma grand-voile. Elle ressemble à un sachet de thé. Il y a des endroits où il ne reste plus de toile et on ne voit que les fibres. Quand on veut prendre un ris, c'est comme si elle était avec un système de ventilation. Avant l'arrivée de la tempête, je vais essayer de border cela pour protéger les fibres. Je suis en train de réfléchir sur une technique pour réparer cela plus tard. J'ai dix autres voiles et il faudra choisir celle qui me servira le moins. Il me manque de la colle et il va falloir être sûr que cela tienne la prochaine fois, car je ne pourrai plus réparer par la suite. Je vais sans doute utiliser une partie du spinnaker pour recouvrir le morceau endommagé. »

De son côté, Thompson soulignait sa satisfaction de pouvoir profiter d'un synchronisme avec le passage de la tempête différent de ses deux amis :

« Nous progressons vers l'île des États qui est à une cinquantaine de milles devant l'étrave. Après, ce sera cap sur les Malouines, à 250 milles de notre position actuelle. Le vent soufflait fort avant le Horn jusqu'à une quarantaine de noeuds sous rafales. Mais pour les cinq derniers milles, le vent a molli et lors du passage, je n'avais que dix noeuds. C'était mon premier passage en solitaire, je l'avais fait à deux reprises avec un équipage de treize personnes. Là, j'ai eu jusqu'à 30 noeuds de vent depuis le Horn, mais le vent mollit de nouveau et le ciel est bleu. Après la tempête de l'autre côté du Horn, je suis bien préparé cette fois-ci. Je serai proche des Malouines quand cela m'attrapera demain matin. Le pire sera au moment du passage du front froid, car le vent basculera à l'ouest, et la mer sera dans tous les sens. Je ne suis pas au centre et subirai ainsi un vent fort de nord avant le passage vers un vent de l'arrière. Pour Dee et Arnaud, les choses risquent d'être plus compliquées que pour moi».

Boissières et Caffari seront en plein gros temps alors qu'ils seront près du détroit de Lemaire et c'est à cet endroit exactement que Météo France annonce les pires conditions. Alors dos ronds pour les deux skippers qui se suivent pas à pas depuis des semaines et qui espèrent le mieux pour leur sécurité.

La direction de la course, qui a réussi à améliorer la sécurité au fil des ans prend cette tempête très au sérieux. Les marines chilienne et argentine sont en état d'alerte et sont prêtes à immédiatement secourir les marins en cas de pépins et un suivi satellite très serré des bateaux par la direction de course est en vigueur.

Les positions à 11h TU + retard sur le 1er (milles nautiques)

Suivez la position des skippers

1- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia),

2- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 231

3- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 694 (11 heures seront à retrancher de son parcours)

4- Samantha Davies-GB (Roxy), 1667 (32 heures seront à retrancher de son parcours)

5- Marc Guillemot-FRA (Safran), 1951 (82 heures seront à retrancher de son parcours)

6- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 2595

7- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 2742

8- Dee Caffari-GB (Aviva), 2804

9- Steve White-GB (Toe in Water), 3904

10- Rich Wilson-USA (Great American), 5023

11- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 6641

12- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 6683

13- Vincent Riou-FRA (PRB), Abandon, Démâtage, (Classé 3e par le Jury International)

14- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), idem, chavirage au sud du Cap Horn

15- Jonny Malbon-GB (Artemis), idem, Problème de grand-voile

16- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), idem, safran bâbord arraché

17- Sébastien Josse -FRA (BT), idem, Safran cassé

18- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), Idem, Barres de flèche cassées

19- Yann Eliès-FRA (Generali), Idem, Fracture à la jambe

20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), idem, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos), idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), idem, Barres de flèches cassées

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem, Démâtage

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem, Démâtage