Bradley Wiggins, champion olympique sur piste, est soudain devenu à 29 ans un grimpeur émérite, jamais loin des Contador ou Schleck en haute montagne: une métamorphose stupéfiante qui l'a obligé à se défendre contre les accusations de dopage.

Au Giro déjà, en mai, il avait étonné par sa capacité à suivre les meilleurs en altitude. Sur le Tour, au soir de la grande étape alpestre, il pointe encore à une inattendue sixième place au classement général, à 4 min 53 sec de Contador, après avoir longtemps occupé la troisième marche du podium.

Au point d'être devenu le leader de son équipe Garmin, en lieu et place de Christian Vande Velde, cinquième du Tour 2007, que l'on a vu mercredi se mettre à son service comme un équipier dévoué.

La dernière fois que Wiggins avait terminé un Tour de France, en 2006, il s'était classé 123e.

Pour nombre de suiveurs du Tour, une telle transformation d'un athlète de cet âge relève du miracle. «Je sais que certaines personnes pensent que je suis dopé», dit calmement le double médaillé d'or en poursuite individuelle aux JO d'Athènes et de Pékin, «mais j'ai été inspiré par la performance de Christian (Vande Velde) l'an dernier et je me suis soudain rendu compte que sur ce Tour, on pouvait faire de belles choses sans dopage».

Wiggins, apparemment, est lui-même surpris de sa performance. «Avant le Tour, avoue-t-il, mon objectif personnel était de terminer dans les vingt premiers et surtout de travailler pour Christian».

Cure d'amaigrissement

«En fait, je n'ai pas trouvé des jambes de grimpeur, je les ai toujours eues», assure-t-il quand on lui demande son secret: «J'ai juste arrêté la piste et perdu du poids. Je pèse deux kilos de moins qu'au Giro, et je développe la même puissance», explique-t-il. Le Londonien pèse maintenant 69 kg pour 1,90 m, soit huit kilos de moins qu'aux JO de Pékin.

«Le fait que je puisse suivre les meilleurs prouve d'ailleurs que le peloton est devenu plus propre», assure encore Wiggins, dont l'équipe Garmin fait de la lutte antidopage l'un des axes de sa communication.

Dès lors, certains se demandent jusqu'où pourra aller ce garçon qui est considéré par le peloton comme un excellent coureur contre-la-montre. Cadel Evans, deux fois deuxième du Tour, estimait en début de semaine, lorsque Wiggins était encore troisième du classement général: «Vu comment il marche, je ne serais pas surpris s'il gagnait le Tour. Il grimpe vraiment bien et il sait comment courir sur le plat».

L'hommage est également venu du maître Contador: «Wiggins est la surprise du Tour, dit-il, il était déjà dans une forme incroyable, mais il a prouvé qu'il était un vrai coureur de courses à étapes.» Et l'Espagnol d'admettre, mercredi soir, que son attaque dans le col de la Colombière visait surtout à mettre l'ex-pistard à distance, pour éviter une mauvaise surprise dans le contre-la-montre d'Annecy jeudi.

Réaliste, Wiggins ne s'enflamme pas: «Je ne suis pas assez stupide pour penser que je peux battre Contador, il a amplement prouvé qu'il était le meilleur coureur de ce Tour», dit-il simplement à ceux qui lui demandent s'il espère encore prendre le maillot jaune.