Lorenzo Giordano, l'un des rares à avoir échappé à la rafle antimafia du 22 novembre dernier, a été ramené à Montréal sous forte escorte, dans la nuit d'hier. Le mafieux de 43 ans avait été arrêté mardi après-midi.

Il a immédiatement été pris en charge par les enquêteurs du projet Colisée, qui l'ont interrogé au quartier général de la GRC, boulevard Dorchester. Il a comparu dans l'après-midi en Cour du Québec pour faire face à de multiples accusations. Celles-ci vont de tentative de meurtre à gangstérisme en passant par le bookmaking et le trafic de drogue. Petit mais costaud, Giordano a fixé tout le monde de son regard froid quand il est entré dans la salle. Il a repris le chemin des cellules quelques minutes plus tard. La cause a été reportée au 23 mai, date à laquelle le dossier général d'accusation reviendra devant le tribunal.

Presque complètement méconnaissable avec ses cheveux teints en noir et son collier de barbe, le mafioso Lorenzo Giordano a été trahi par la présence d'une femme dans le condo qui lui servait de planque, dans le centre-ville de Toronto.

En réalité, les policiers de la Ville reine avaient repéré Giordano depuis déjà quelques jours, mais ils n'étaient pas absolument sûrs de traquer le bon homme, tellement sa physionomie a changé. Sur les photos dont ils disposaient, le caïd montréalais ne portait pas de barbe et avait les cheveux poivre et sel. C'est ce qui explique que ses acolytes lui ont collé le surnom moqueur de Skunk («mouffette»).

S'ils n'étaient pas tout à fait convaincus qu'ils suivaient le bon fugitif, les policiers torontois avaient par contre la certitude que la jolie jeune femme qu'ils voyaient souvent avec lui était originaire de Montréal. Le couple se fréquente depuis plusieurs années. On savait aussi que l'amie de Giordano a une jumelle qui sortait avec le bras droit du caïd en cavale, Mike Lapolla. Ce dernier a été tué lors d'une fusillade qui a fait deux morts, au bar Le Moomba, à Laval, le 10 mars 2005.

C'est ainsi que les policiers torontois se sont attardés aux faits et gestes de la femme avant de coincer Giordano. Une fois certains, le sachant dangereux et armé, ils ont patienté avant de l'arrêter. Ils sont passés à l'action alors que le mafieux de 43 ans s'entraînait dans une salle de conditionnement physique du luxueux immeuble qu'il habitait avec sa compagne, rue Wellington. Feignant de s'exercer à ses côtés, un agent d'infiltration a attendu le moment opportun et donné le feu vert à des collègues bien cachés. Ceux-ci l'ont vite maîtrisé en lui braquant leurs pistolets sous le nez. L'action s'est déroulée si rapidement que Giordano a figé sur le tapis roulant.

Surprise, la fouille de l'appartement, au sixième étage, n'a presque rien donné, sinon quelques «kits» de faux papiers, des permis de conduire de différentes provinces, dont Giordano s'est peut-être servi durant son escapade. Ni armes, ni gilet pare-balles, ni grosse somme d'argent. Chose certaine, Giordano s'est promené en ville, souvent en taxi, et il est venu à l'occasion à Montréal. Avec qui était-il? Qu'a-t-il fait? Est-il allé ailleurs qu'à Toronto? La police tente de tout reconstituer.

Sept personnes sont encore recherchées en marge de l'opération Colisée. Deux sont d'importants contrebandiers de drogue : Angelo Follano, 34 ans, et Pietro D'Adamo, 36 ans, qui ont des liens avec le gang de l'Ouest.