Au premier coup d'oeil, on dirait une petite famille en train de siroter un capuccino glacé dans un café du boulevard des Laurentides.

Il y a la maman, Virginie Bergot, le papa, Jean-François Richard, sans oublier bébé Lawrence, qui gazouille entre ses parents. L'adolescent qui prend place avec eux sur la banquette coussinée du café ne cadre toutefois pas avec ce portrait de famille.

Mathieu Gaudette, 16 ans, est un des 10 jeunes qui ont posé leurs valises chez Virginie depuis environ deux ans.

Par pur altruisme, cette jeune femme de 22 ans offre le gîte aux jeunes en difficulté. Sa façon de donner au suivant, explique-t-elle candidement, après avoir elle-même vécu une descente aux enfers après son arrivée dans l'île Jésus. «J'avais 19 ans, un chum et un appartement. J'ai tout perdu. J'étais enceinte de quatre mois», raconte la jolie brunette.

Désemparée

Jetée à la rue en pleine grossesse, dépressive et seule au monde dans une ville où elle ne connaissait personne, Virginie a décidé d'aller frapper à la porte du TRILL (Travail de rue île de Laval), organisme d'aide pour les jeunes en difficulté.

Une jeune femme désemparée, timide au point d'être invisible s'est présentée devant Sophie Archambault, intervenante de rue. «Elle avait faim», se souvient l'intervenante, qui s'est aussitôt prise d'affection pour la future maman.

Virginie a hérité sur-le-champ d'une des quatre chambres situées dans les locaux du TRILL, sur le boulevard de la Concorde.

Elle y a vécu jusqu'à la fin de sa grossesse. Un séjour qui lui a permis de rebâtir sa confiance en elle. «Les gens du TRILL m'ont aidée, alors je leur suis redevable», réplique-t-elle pour justifier sa décision de donner l'asile à de nombreux jeunes.

Avant même d'accoucher, elle avait amorcé ce mode de vie atypique en emménageant dans son appartement avec Derek, adolescent en difficulté et sans domicile rencontré au TRILL.

Virginie était alors tout simplement incapable de le laisser dans la rue.

Durant la même période, elle a rencontré son amoureux, Jean-François, qui a emménagé avec son pensionnaire et elle.

Une dizaine de jeunes ont depuis habité son modeste quatre et demi. Un casse-tête logistique. «J'en avais deux sur le divan, un par terre sur un lit de couverture, mon chum et moi dans ma chambre et les enfants dans l'autre», décrit Virginie.

Par principe, elle a toujours refusé de demander un loyer aux jeunes, sauf Mathieu, dont le nom apparaît sur le bail du nouvel appartement qu'ils viennent de dénicher. Une première. «Les autres, c'était de l'hébergement temporaire. Je voulais les aider, faire ma part. Ces jeunes avaient besoin d'aide, pas de se faire écraser et subir une pression. Je veux leur donner une base pour remettre leur vie sur les rails», souligne Virginie, qui gagne sa vie comme serveuse dans un hôtel de Montréal.

Sa croisade personnelle lui procure une grande satisfaction. «Tous mes jeunes sont en appartement. Mon rôle a été de leur remonter le moral, leur offrir une solution de rechange à la rue et parfois leur donner un bon coup de pied au derrière», lance-t-elle, sourire en coin.

Derek, Griff, Maxime, Pascale, Mathieu et quelques autres auraient probablement tous atterri dans la rue s'ils n'avaient pas croisé la route de Virginie.