Cette tribu qu'on a baptisée Sherbrooklyn s'impose dans la 22e présentation du Coup de coeur francophone. La Patère Rose, Le Citoyen, Le Roi Poisson, tous à l'affiche, s'échangent les mêmes musiciens issus de la même région, et insufflent aujourd'hui un nouvel élan à la scène locale francophone. Entrevue de groupes.

Sherbrooklyn. Le néologisme est en passe d'être officiellement adopté sur la scène locale pour décrire l'invasion des groupes dont les membres sont originaires, mais pas exclusivement, de la région sherbrookoise et de l'Estrie.

 

Sous leurs différentes appellations, ces musiciens, tous dans le début de la vingtaine, ont en commun un sens de l'exploration musicale qui justifie les nombreux chapeaux qu'ils peuvent porter au gré des concerts. Par exemple, «tous les membres du Roi Poisson ont des projets parallèles», dit le batteur et compositeur Olivier (Oli Flétan), aussi de l'aventure prog-rock, tendance métal, de Myxomatosis.

Autour de la table, Fanny Bloom, chanteuse et claviériste de La Patère Rose (chanson pop théâtrale), Jérôme, tête dirigeante de Le Citoyen (chanson rock) et guitariste du Roi Poisson (rock-pop), deux autres confrères de ce groupe, et même Jonathan, la mascotte officielle - ceux qui ont déjà assisté à un des concerts du Roi Poisson savent de quoi je parle.

La constellation de musiciens millésimés Sherbrooklyn s'est révélée à la finale des dernières Francouvertes. Des trois groupes, on repérait Le Citoyen, projet de l'auteur-compositeur-interprète, guitariste et trompettiste Jérôme Dupuis-Cloutier, et La Patère Rose, trio formé de Fanny et de deux membres de Misteur Valaire (électro-funk), Roboto et Kilojules. C'est la Patère Rose qui a remporté les grands honneurs: «À chaque fois qu'on se retrouve devant les journalistes, on fait comme si on était en chicane», dit-elle en regardant Jérôme, qui joue le jeu.

Les groupes Half Baked et Sexyboy sont aussi membres en règle de cette nouvelle confrérie. Qu'ils soient effectivement originaires de Sherbrooke, de Québec et de Saint-Jean-sur-Richelieu, tous ces musiciens se sont fréquentés à l'école secondaire, puis au cégep et à l'université.

«On avait déjà tous plus ou moins jammé ensemble, avant de partir de notre côté, explique Olivier. Nous nous sommes retrouvés à Montréal, les tripeux de musique.» Le cégep Saint-Laurent a été leur point de chute, sauf pour Fanny, qui étudiait les lettres à Sherbrooke. «On fréquentait les mêmes amis, qui faisaient de la musique dans les partys. Ça a mené à Cégeps en spectacle, puis aux Francouvertes.»

Un joli accident de parcours pour la fille du groupe, qui ne se destinait pas d'emblée au métier de musicienne. «Je voulais être comédienne. J'y pense encore un peu, d'ailleurs.» Le succès l'a rattrapée; un premier album est en chantier, attendu dans les premiers mois de 2009, et l'étiquette Grosse Boîte (Tricot Machine, Coeur de pirate) aurait pris une sérieuse option sur celui-ci.

Ils sont jeunes, partagent la même passion, la même boulimie pour les musiques, toutes sortes de musiques. Ont développé leur passion en écoutant du rock, du prog, du métal, du jazz fusion. «On est tous des mélomanes, abonde Olivier. Pour beaucoup, notre formation vient du jazz, c'est ce qui fait notre polyvalence.» Le groupe Myxomatosis tape dans la source pesante du rock, influencé par les Tool et Primus. En comparaison, le rock-pop chargé du Roi Poisson, «c'est un gros show de variétés. Pas de la musique pour les matantes, parce que ça arrache à l'occasion», nuance le batteur.

Selon ces musiciens, la multiplication des identités musicales n'est pas une stratégie pour mieux espérer percer dans cette industrie où il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus.

«Pour moi, répond Olivier, c'est seulement un moyen de m'exprimer différemment. Je considère que c'est important de se diversifier, seulement pour pouvoir explorer différentes choses en musique, pour ma satisfaction personnelle. Je trouve qu'il faut avoir plusieurs approches dans la création, pour pouvoir repousser des limites qui ne seraient pas approchables avec un seul projet. C'est un trip de création.»

La Patère Rose et Le Roi Poisson, en spectacle ce soir, 20h30, au Cabaret du Musée Juste pour rire.