Je suis italien de naissance, né à Paris d’immigrés italiens de première génération. Durant les deux premières années de ma vie, mes deux grands-mères italiennes étaient avec moi en France, autant vous dire que l’italien a été ma première langue, précédant même le français. Mes études se sont déroulées en France, et aujourd’hui, le français de France est la langue que je maîtrise le mieux parmi les quatre que je parle.

Cependant, je ne me suis jamais vraiment senti chez moi en France. À l’âge de 20 ans, j’ai commencé à voyager, et mon émigration au Québec est ma quatrième expérience, aussi la plus difficile. Les dix premières années, j’ai vécu à Montréal, mais j’ai rarement eu l’occasion de côtoyer des Québécois, sauf ceux en couple avec des non-Québécois. Je suis quelqu’un de sociable et festif, j’aime recevoir chez moi, mais jusqu’à maintenant je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois que j’ai été invité à manger chez des Québécois, et je n’ai toujours pas goûté une tourtière ou un pâté chinois.

Professionnellement, j’ai beaucoup formé mes collègues, mais j’ai souvent ressenti un plafond de verre m’empêchant de progresser. Quand une opportunité professionnelle exceptionnelle s’est présentée en Europe, j’ai tout vendu et suis parti avec mes enfants, nés au Québec. Cependant, une fois en Europe, j’ai vite réalisé que mes dix années au Québec m’avaient changé, modifiant mes valeurs et mes attentes en matière de société et d’éducation pour mes enfants.

Déçu par le manque de civisme en Europe, j’ai décidé de revenir au Québec. Depuis notre retour, nous vivons en région, ce qui ressemble à une seconde émigration. Je m’implique beaucoup dans la communauté, appréciant la cohésion sociale et le dynamisme, ce fameux « tissé serré ». Je commence enfin à m’intégrer dans la culture québécoise.

Cependant, malgré mes 13 ans au Québec, on m’appelle encore un immigrant, et mes enfants sont des immigrants de deuxième génération. Dans une nation qui défend autant le français, pour faciliter notre intégration, je pense qu’il serait grand temps d’arrêter d’utiliser cet anglicisme d’« immigrant » ou, pire, cette faute de français.

Combien d’années devrais-je passer au Québec pour qu’on me considère enfin comme un immigré, soit un immigrant qui a fini son processus d’intégration ? Le Québec est la nation où j’ai le plus contribué sur les plans professionnel, associatif, sociétal ; mes enfants sont nés ici, notre maison et notre vie sont ici, pourtant, notre statut d’immigrant semble perpétuel, une étiquette difficile à ôter.

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