Chaque vendredi, nous revenons sur la semaine médiatique d’une personnalité, d’une institution ou d’un dossier qui s’est retrouvé au cœur de l’actualité

La semaine a été intense pour la ministre des Transports et de la Mobilité durable Geneviève Guilbault. Lundi : rencontre privée avec les représentants des sociétés de transport et déclaration à propos d’un tramway de Québec « à coût raisonnable ». Mardi : participation à Drummondville au Sommet organisé par Piétons Québec. Mercredi : mêlée de presse et réaction au sujet d’un éventuel « lien de remplacement » plutôt qu’un troisième lien à Québec. Sans compter sa participation à la commission parlementaire des transports et de l’environnement à propos du projet de loi 22 sur l’expropriation.

En déclarant que le gouvernement épongerait seulement 20 % du déficit des sociétés de transport, la ministre Guilbault a provoqué une levée de boucliers de la part des élus municipaux et des organismes qui militent pour une meilleure offre en transport collectif.

Nous revenons sur cette semaine mouvementée avec la principale intéressée.

Nathalie Collard : Quand vous regardiez votre agenda au début de la semaine, saviez-vous qu’elle serait aussi mouvementée ?

Geneviève Guilbault : Ce sont pas mal toujours des grosses semaines dans ce ministère. J’ai beaucoup de dossiers actifs, des dossiers chauds. C’est presque toujours un exercice acrobatique.

NC : Au colloque annuel de l’Association du transport urbain du Québec, le 12 octobre dernier, vous avez déclaré que les sociétés de transport devraient se serrer la ceinture. Était-ce un message pour préparer les rencontres que vous avez eues avec leurs représentants les jours suivants ?

GG : Oui, j’ai placé un message de base qui mettait la table pour ma première offre. Je trouvais que c’était pertinent de saisir l’occasion, car c’était l’éléphant dans la pièce depuis que j’ai parlé de la recherche d’une solution pérenne, l’hiver dernier. À l’époque, j’avais dit qu’on ne pouvait pas continuer à fonctionner comme on le fait. Le gouvernement ne peut pas continuer à essuyer les déficits structurels des sociétés de transport année après année. Il faut trouver une solution. D’autant que les municipalités ont d’autres demandes (itinérance, logement, etc.) toutes très pertinentes.

On veut maintenir notre participation d’un tiers du financement (les deux autres tiers proviennent des villes et de la tarification), on l’a même augmentée en haut de l’indexation. Les demandes des sociétés de transport sont en surplus de cela.

Il faut se rappeler qu’on a injecté 2,1 milliards de dollars pour compenser les pertes des revenus dramatiques durant la pandémie. Je propose la même formule, on vient encore compenser la perte de tarifs dans une entente sur cinq ans afin qu’il y ait de la prévisibilité.

Mais on ne peut pas fonctionner dans un système où les sociétés de transport font des déficits en se disant « le gouvernement va nous compenser ». On ne peut pas soutenir des déficits d’exploitation. Mais je suis confiante qu’on va trouver une piste d’atterrissage. Il faut revoir notre partenariat, mais c’est sûr qu’on va continuer à les soutenir.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Geneviève Guilbault répondant aux questions des journalistes, mardi, à Québec

NC : Depuis ces rencontres avec les sociétés de transport, on assiste à une véritable levée de boucliers. Comment on répond à ça comme ministre ? Est-ce qu’on laisse passer, on prépare une réponse ou on ajuste notre message ?

GG : Je m’attendais à ce qu’il y ait des articles, mais c’est justement pour éviter qu’on vive la même crise chaque année qu’il faut mettre en place une formule qui permette de la prévisibilité.

Les médias ont dit que les rencontres de vendredi et lundi s’étaient mal passées, mais ça s’est bien déroulé. J’ai présenté mes chiffres, j’ai dit que c’était une première offre. Ils sont partis avec ça et on va se reparler. Depuis, je me suis entretenue avec la mairesse de Montréal Valérie Plante, hier [mercredi]. La communication est ouverte avec les autres partenaires. J’espère arriver à court terme à une entente au moins pour la première année.

NC : On a l’impression que, depuis l’élection partielle dans Jean-Talon, vous avez ajusté votre message ?

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault au lendemain de la défaite de son parti dans Jean-Talon

GG : Je suis d’accord qu’il y a eu une prise de conscience. J’étais dans Jean-Talon le soir de l’élection et le lendemain. On ne peut pas faire comme si rien n’était arrivé. Le message est passé et c’est important que les gens sachent qu’on l’a reçu et compris.

Il faut s’assurer de rester connecté à la population et de faire amende honorable si on a manqué d’écoute ou de consultation. Le dossier du troisième lien, ça a été difficile. Il faut montrer de l’ouverture. On continue d’appuyer le tramway, mais c’est le dossier du maire. Il va évoluer, et la transparence et la communication sont importantes. Mais pourquoi les gens se tournent vers moi pour le tramway ? Personne ne m’appelle pour me demander comment vont les travaux de la ligne bleue, c’est la STM qui gère, mais il faudrait que je me substitue au maire de Québec pour le tramway ?

On a promis une consultation pour la mobilité dans la région et je travaille avec mes 15 collègues députés des deux rives de Québec pour préparer une consultation qui se déroulera intelligemment et efficacement. Je veux que le citoyen lambda qui ne fait pas partie d’un organisme ou d’une chambre de commerce puisse s’exprimer.

NC : Un nouveau terme a fait son apparition dans l’espace public : « lien de remplacement » plutôt que « troisième lien ». Quel est l’objectif derrière ce changement de vocabulaire ?

GG : C’est ma collègue Martine Biron qui a utilisé ce terme et les journalistes m’ont demandé de le commenter. C’est vrai qu’un jour, les ponts arriveront à la fin de leur vie utile, mais ce n’est pas tout de suite. Nos ingénieurs me disent que le pont Pierre-Laporte est encore bon pour 50 ans, il est très sécuritaire. Le pont de Québec n’est pas sous notre juridiction, mais ce genre de structure dure longtemps. Je pense que dire les deux choses n’est pas contradictoire, les deux sont vraies.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Les ponts de Québec

NC : Croyez-vous qu’en ajoutant Mobilité durable à votre titre, vous avez créé des attentes dans la population ?

GG : C’est moi qui ai ajouté ce titre, c’est vrai. C’était conforme à l’air du temps. Et on est un gouvernement qui met beaucoup d’argent dans la réduction des GES avec l’électrification des transports. C’est logique et souhaitable. « Mobilité durable » ça ne veut pas seulement dire transport collectif, c’est aussi l’électrification.

NC : Vous ou votre équipe avez mis en ligne une courte vidéo intitulée « Un automne bien chargé » où on vous voit participer à toutes sortes d’activités. C’est accompagné de la chanson Astray de CRi et Half Moon Run. J’ai cherché la définition de astray, c’est un mot qui signifie : « s’éloigner du chemin ou de la direction correcte ». Est-ce qu’il y a un message caché dans cette vidéo ?

GG : Pas du tout ! C’est mon équipe de communication qui choisit la musique, moi je suis trop démodée (rires). Ils choisissent des artistes québécois émergents et essaient de s’éloigner du mainstream. J’ai justement un collègue qui m’a dit que le père de CRi l’avait appelé pour lui dire qu’il était tellement fier qu’on ait choisi la musique de son fils pour notre vidéo.

Les propos ont été remaniés par souci de concision.