Ça paraît quand un animateur ne s’assoit pas sur son talent et ponce ses textes jusqu’à la quasi-perfection. Cette technique de polissage extrême associée à Louis-José Houde, qui pilotait hier soir son 14e Gala de l’ADISQ de suite, a encore donné des résultats étincelants.

Quelle aisance sur scène, quels textes brillants et quel aplomb de la part du meilleur humoriste québécois. Jamais déplacé ni blasé, toujours allumé, l’élégant Louis-José Houde, alias Louis-Jo, conserve son titre du meilleur maître de cérémonie de la province.

Son pétillant monologue d’ouverture, tricoté autour de la rançon de la gloire, a été savoureux. Colère de Mario Pelchat, « pinch pointu » de Sylvain Cossette et chatouillage des 2Frères, Louis-José Houde a insufflé énormément de rythme à cet excellent gala, qui a électrisé la foule, probablement la plus démonstrative depuis celle du Centre Bell en 2008.

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Ariane Moffatt et Louis-José Houde

Le numéro sur les demandes de loge de FouKi, qui aime les grignotines et le Gatorade, a été hilarant. Les confessions au piano avec Ariane Moffatt, j’en aurais pris une demi-heure. Vraiment, il faut que l’ADISQ prolonge le contrat de Louis-José pour au moins cinq ans.

Avec le couronnement de Loud et Cœur de pirate comme interprètes de l’année, on sent le fort vent de rajeunissement qui souffle sur notre industrie musicale.

Le numéro qui a lancé la fête de la musique québécoise a d’ailleurs été confié aux rappeurs Loud, Sarahmée, FouKi, Souldia et Koriass. Ce choix aurait été suicidaire il y a 10 ans. Plus aujourd’hui, alors que le hip-hop québécois se porte mieux que jamais.

Parenthèse mode, ici. Le chandail en coton gris que portait Loud vaut au moins 1000 $, s’il s’agit d’un vrai Balenciaga, bien sûr. On aura déjà vu plus « Hochelag’ » comme accoutrement, n’est-ce pas ?

Chez les lauréats, Les Louanges, alias Vincent Roberge, le grand favori de la soirée, a mordu la poussière. Grosse déception. Autre truc très bizarre : Bleu Jeans Bleu a été sacré groupe de l’année, mais son énorme succès Coton ouaté, que le public a spontanément entonné en fin de parcours, n’a même pas été retenu parmi les neuf pièces en lice pour le Félix de la chanson de l’année.

Ce formidable ver d’oreille y était pourtant admissible, car il a été commercialisé avant le 31 mai 2019, date butoir pour recevoir les candidatures dans cette catégorie. Selon l’ADISQ, plusieurs palmarès d’écoute servent à déterminer les concurrents pour la chanson de l’année. Et comme Coton ouaté n’a explosé que l’été dernier, donc après la période recensée, elle n’a pas réussi à se faufiler parmi les finalistes de 2019, mais pourrait le faire pour le gala de 2020.

On s’entend tous ici : le buzz entourant Coton ouaté aura faibli en 2020 et il aurait fallu le célébrer maintenant. Faudrait peut-être ajuster les règlements.

Le trophée de chanson de l’année a plutôt été décerné à Roxane Bruneau pour Des p’tits bouts de toi, une pièce qui a été vue plus de 5,6 millions de fois sur YouTube, en un an.

Du côté des remerciements, Alexandra Stréliski a été la plus touchante. Comme quoi, « il ne faut pas sous-estimer la force de la douceur », pour la citer après sa première statuette. La pianiste a aussi profité de son temps au micro pour parler de santé mentale, car « le brouillard, il peut se dissiper ». Bravo.

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Pierre Lapointe

Bien préparé et enflammé, Pierre Lapointe a livré un vibrant plaidoyer pour que les géants du web paient leur juste part d’impôt. À titre d’exemple, il a révélé que 1 million d’écoutes de sa chanson Je déteste ma vie sur Spotify ne lui ont rapporté qu’un maigre 500 $. C’est très peu.

Le croisement des chansons Pour toi d’Ariane Moffatt et Tercel des Louanges a débouché sur un des plus beaux numéros.

Il faut souligner la beauté des décors et la variété des musiques entendues hier. Classique, folk traditionnel, hip-hop, adulte contemporain, rock ou pop, chacun y a trouvé son style. Bonus : la moitié des 12 prix ont été cueillis par des femmes.

Ni l’animateur, ni les présentateurs, ni les lauréats n’ont évoqué les démêlés judiciaires d’Éric Lapointe, qui a été accusé vendredi de voies de fait sur une femme. Le rockeur de 50 ans est finalement resté chez lui hier soir. Il devait présenter un prix pendant cette cérémonie qui a duré 2 h 15 min

Éric Lapointe était nommé dans la prestigieuse catégorie de l’interprète masculin de l’année, mais il a perdu aux mains de Loud, qui représente la génération montante.

L’ancien coach de La voix avait également tourné une publicité spéciale pour l’épicier Maxi en compagnie du porte-parole Martin Matte. Cette pub de 90 secondes, confectionnée expressément pour l’ADISQ, devait passer hier soir, mais Maxi, commanditaire important du gala, l’a torpillée. « Compte tenu des circonstances, nous avons décidé de ne pas la diffuser », confirme la porte-parole de Maxi, Johanne Héroux.

Voilà pourquoi nous avons revu, ben oui, la « vieille » réclame avec Annie Brocoli, Claude Poirier et Marcel Leboeuf.