Au nord, Montréal. Au sud, Tampa. Entre les deux, les Rays, une franchise en manque d’amour.

Montréal lui fait les yeux doux. Des promesses. Un stade au centre-ville. Un nouveau contrat de télévision. Plein de partisans enthousiastes. En Floride, on essaie de la retenir. On lui rappelle ses obligations. Notamment, celle de disputer tous ses matchs locaux au Tropicana Field jusqu’en 2027.

Que font les Rays ? Ils courent les deux lièvres à la fois. Après chaque flirt avec Montréal, ils reviennent à Tampa. Ça dure depuis des années. Mais cet hiver, on a senti un réchauffement dans leur relation avec le groupe de Stephen Bronfman, qui travaille au retour du baseball à Montréal. Une idée a fait son chemin : la garde partagée. L’équipe passerait les premiers mois de la saison en Floride, les autres au Québec.

La Presse a présenté les grandes lignes du concept en février. De nombreux partisans n’y ont pas cru. Pourtant, c’était bel et bien le scénario sur la table. Le projet a franchi une étape importante hier. Le commissaire Rob Manfred a annoncé que le baseball majeur autorisait les Rays à explorer la faisabilité de cette garde partagée.

C’est une reconnaissance importante du travail de séduction mené par le Groupe de Montréal. Stephen Bronfman s’en est réjoui – avec raison.

« Nous travaillons d’arrache-pied depuis plusieurs années pour examiner comment nous pouvons ramener le baseball à Montréal de manière durable. Ce concept est vraiment intéressant pour mes partenaires et moi. Nous avons hâte de l’étudier plus en profondeur. »

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La garde partagée, est-ce une bonne idée ?

J’avais analysé les arguments pour et contre cet hiver.

En résumé, ce n’est pas un scénario idéal.

Comme vous, je préférerais que Montréal ait une relation exclusive avec Nos Z’Amours. Sauf que ça n’arrivera ni à court ni à moyen terme.

On est mal placés pour faire la fine bouche. Alors il reste deux options : quelques dizaines de parties chaque été, ou aucune.

Évidemment, on va prendre les matchs.

En plus, les Rays ont une bonne équipe.

Où achète-t-on les billets ?

Holà ! Je vous arrête. Je comprends votre enthousiasme, mais vous sautez des étapes. L’annonce d’hier, ce n’était pas le retour du baseball à Montréal. C’était le début d’un processus dont on ne connaît pas encore l’aboutissement.

Déjà, il y a un obstacle en Floride. L’équipe a un bail qui l’oblige à disputer ses matchs locaux des huit prochaines années dans son stade actuel. C’est vrai, les Rays peuvent négocier une rupture de contrat avec la Ville de St. Petersburg. Mais le maire a mis fin aux discussions avant même qu’elles ne commencent, hier.

Par contre, on sait que ce sera un projet à long terme. Ce sont les mots du commissaire. « Les Rays se sont engagés à rester à Tampa jusqu’en 2027 », a-t-il dit. Le propriétaire des Rays, Stuart Sternberg, a renchéri. « Ma priorité reste la même. Je suis déterminé à garder le baseball à Tampa pour les générations à venir. Je crois que le concept [de la garde partagée] mérite une exploration sérieuse », a-t-il déclaré hier au Tampa Bay Times.

C’est donc le début d’un projet pour lequel il faut trouver des réponses à plusieurs questions.

• Est-ce une solution transitoire ou permanente ?

• Combien de matchs y aurait-il dans chaque ville ?

• Où seraient disputées les séries éliminatoires ?

• Où jouerait l’équipe à Montréal ?

• Doit-on construire un nouveau stade pour 40 matchs par saison ?

• Si un nouveau stade est construit à Tampa, que se passerait-il avec les matchs à Montréal ?

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Alors, cette fois est-elle la bonne ?

Il reste du travail à faire. Mais ça avance bien. Les Québécois sont d’ailleurs satisfaits des démarches du groupe de Stephen Bronfman.

C’est la conclusion d’un sondage tout chaud réalisé la semaine dernière auprès de 1471 Québécois par la firme Forum Research. Il n’était pas question spécifiquement de la garde partagée, mais de l’intérêt pour le retour du baseball à Montréal. Et les résultats sont encourageants pour le consortium.

Une forte majorité de Québécois approuve le projet s’il n’est pas financé par des fonds publics. Dans quelle proportion ? Trois partisans pour un opposant.

Appui au retour du baseball majeur

En accord : 59 % En désaccord : 19 % Ne sait pas : 22 %

Cette majorité claire, on la retrouve dans toutes les couches de la population. Femmes, hommes, milléniaux, X, boomers, anglos, francos, petits et gros salariés. Il faut gratter, gratter et encore gratter pour trouver des catégories dans lesquelles l’appui au projet passe sous les 50 %. J’ai en trouvé deux : dans la ville de Québec (47 %) et parmi les électeurs de Québec solidaire (39 %). Dans les deux cas, les échantillons sont restreints. Et il reste quand même plus de répondants favorables au projet que de détracteurs.

Maintenant, qu’arriverait-il si des fonds publics servaient en financer le projet ? L’appui fondrait comme un Mister Freeze un après-midi de canicule. Les proportions seraient inversées : 59 % contre, 25 % pour. Cette sensibilité n’échappe pas à Stephen Bronfman. Il répète depuis des mois qu’il ne compte pas demander de subventions de l’État pour financer ses plans. Un choix judicieux, démontre le sondage.

Évidemment, on se doute bien que ce ne sont pas tous les gens d’accord avec le retour du baseball qui se rendraient au stade pour apprécier un ballon sacrifice perdu dans un ciel blanc de septembre. Mais l’intérêt est là. Plus qu’on aurait pu le penser.

• 45 % des répondants seraient intéressés à regarder des matchs à la télévision ;

• 42 % des sondés affirment qu’ils assisteraient à une partie en personne.

Parmi les spectateurs potentiels, la barre des 50 % est même franchie dans deux groupes ciblés par les vendeurs d’abonnements : les 45-54 ans et les gens avec un revenu annuel supérieur à 100 000 $. 

Ça fait beaucoup de nouvelles en une journée pour le groupe de Stephen Bronfman, qui peut se féliciter du travail accompli jusqu’à maintenant. Sa persévérance rapporte.

Espérons maintenant que son flirt avec les Rays ne sera pas qu’une amourette d’été.

Méthodologie

La firme Forum Research a mené cette enquête les 11 et 12 juin auprès de 1471 résidants du Québec âgés de 18 ans ou plus et sélectionnés au hasard. Les résultats ont été obtenus lors d’un sondage téléphonique à réponse vocale interactive. La marge d’erreur est de 2,55 %, 19 fois sur 20. La précision des résultats des sous-échantillons est inférieure. Les résultats ont été pondérés pour être représentatifs de la population.